Les canards corrigent donc le défaut de longueur de bras de levier des deltas, mais, les avions conçus naturellement instables avec commandes de vol électriques ne connaissent pas ce problème, puisque leur gouverne de profondeur peut agir avec très peu d'effort, donc très peu de débattement, donc très peu de traînée.

(Voir :  «Le contrôle en tangage», «Le contrôle en tangage (suite)», «Le contrôle en tangage (encore)», et «Les avantages du couple cabreur et le delta».)

Il n'empêche que le Mirage 2000 (donc volontairement conçu avec une instabilité en tangage) est équipé de canards, certes tout petits, fixes et au profil plat, mais utiles quand même aux grands angles d'attaque (essentiellement pour générer des vortex comme les apex du F16, par exemple*).

(*) Voir  Les inducteurs de vortex   et   Les inducteurs de vortex (suite).


Pour le mirage III nouvelle génération, on a: commandes de vol électriques + canards + apex.

La totale quoi. ...

Les apex sont désignés par les flèches (ci dessous).


Sorti à peu près à la même époque que le Northrop F20 Tigershark (vu à la page précédente), et destiné au même marché, il subira le même sort: pas de client.


Toutefois, dans tous ces exemples, les canards sont toujours fixes.

L'étape suivante sera donc de les rendre mobiles.

Avec le Saab Viggen et ses volets de bord de fuite sur les canards, l'idée de pouvoir faire varier leur action est déjà présente, mais sans commandes de vol électrique, difficile d'aller plus loin.

Pourquoi?

On pourrait arguer que, utiliser les canards comme gouvernes de profondeur (donc mobile) se faisait déjà sur les premier avions au début du vingtième siècle. Sauf qu'ils volaient à 40 km/h et c'est très très nettement plus compliqué sur les avions modernes et rapides.

L'instabilité produite par ce type de gouverne de profondeur (voir la page: les canards) est telle que, c'est presque comme reculer avec une remorque; ce n'est pas bien compliqué à 10 km/h, mais essayez donc de manœuvrer en marche arrière, avec une remorque à 150 km/h.....


Le Mirage 4000 est une sorte d'étape dans cette direction.

En effet, il a des commandes électriques contrôlées par ordinateur, ET des canards fixes, mais dont l'angle d'incidence est AJUSTABLE.


Enfin, le dernier échelon, le delta-canard à canards ACTIFS, comme le Saab Grippen, l'Eurofighter Typhoon, et bien sûr, le Rafale.

Sur ces avions, les canards participent activement au contrôle en tangage, ils constituent, de fait, une gouverne de profondeur supplémentaire allégeant et améliorant le travail de la première.


En additionnant leur grande surface alaire (donc grande portance), + leur instabilité naturelle compensée par ordinateur, et associée aux commandes de vol électriques, + leur canards actifs permettant (entre autre) un contrôle en tangage extrêmement efficace; Il est normal que ces appareils affichent une exceptionnelle manoeuvrabilité.


                                              

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je l'ai toujours trouvé plus beau avec ces couleurs là.

Encore une image de Rafale, juste pour le plaisir des yeux.

Remarquez les slats sortis (au bord d'attaque).

Encore un p'tit dernier?

Joli, n'est-ce pas...

Le Rafale n'est pas un "simple" delta-canard, tout le dessin de la partie avant participe à améliorer l'écoulement de l'air sur l'aile.

En plus (voir la page "Les canards"), la position des canards, qui a été choisie pour le Rafale (position haute et proche de l'empanture de l'aile), donne encore un autre avantage (en tous cas face à un certain concurrent.....) qui est que le flux d'air "guidé" par ces canards et les vortex induits par ces même canards passent au dessus de l'aile plutôt que de l'impacter.


Le résultat est que ces canards, en plus de leur rôle dans le contrôle en tangage, améliorent l'écoulement sur l'extrados et les vortex induits par eux ont un effet semblables à de gros apex (voir: La couche limite, Les inducteurs de vortex    Les inducteurs de vortex (suite).. et les canards)




Même sur les avions à formule aérodynamique plus "classique" (non delta), la pose de canards apporte un plus.

C'est un Sukhoï 35, et il est (était à ses débuts) équipé de canards actifs.

Les versions suivantes n'ont plus utilisés cette approche et seuls certains Su 30 ainsi que les Su 33 et 34 en sont encore équipés.


Malgré la ressemblance, avec le précédent, l'avion ci dessous est un Sukhoï 30.
Le Su30 est une appellation générique pour plusieurs modèles différents de "Flankers" (surtout des versions d'exportation, mais pas "que"), il y a donc plusieurs sous catégories de Su30, avec ou sans canards, et/ou tuyères à poussée vectorielle.


Rappel: le Sukhoï 27 de base, c'est ça:

Les avions de cette famille affichent une manoeuvrabilité exceptionnelle, et d'avantage encore pour ceux qui sont équipés de canards actifs, voir de la poussée vectorielle (Su 35, entre autre, et par exemple).


Ils sont capables de manoeuvres qu'ils sont presques seuls au monde à pouvoir réaliser. J'ai dit: presque, parce que le Mig 29 OVT fait mieux (aurait fait mieux puisqu'il n'a, in fine, pas été construit).

En attendant, un Su 35 peut faire ceci:

Un retournement complet en plein vol!
Étonnant, non?

On reparlera du Su 35 un peu plus loin (à la page suivante en fait), en même temps que du Su 57.



Puisqu'on parlait plus haut du Mig29, c'est lui:

Il a la particularité d'avoir été, dans sa version initiale, le seul (ou l'un des seuls avec le Sukhoï 27 Flanker) à pouvoir largement rivaliser avec le F16C Agile Falcon en terme de manoeuvrabilité, et cela SANS recours à la technologie CCV (instabilité et commande de vol électriques).


Le Mig29 avait alors des commandes de vol tout ce qu'il y a de plus classiques, et devait son extraordinaire manoeuvrabilité exclusivement à son aérodynamique:

---Très, très grande surface portante répartie entre les ailes, les apex, et l'espace entre les deux fuseaux moteurs.

---Puissants dispositifs hypersustentateurs.

---Énormes apex générateurs de très puissants vortex.

---Puissante motorisation donnant un rapport poussée/poids supérieur à 1.


Cet avion est capable d'évoluer sous de très grands angles d'attaque sans décrochage, et/ou de conserver un assez bon niveau de contrôle au delà du décrochage .

Son agilité est à l'origine d'un nombre impressionnant de "victoires" (en combat rapproché et à l'entraînement uniquement) contre le très fameux F16, mais ça ne suffit pas à le considérer comme supérieur, en tous cas hors contexte particulier.

Il n'a pas bénéficié d'une modernisation semblable aux avions de la famille Flanker (Su 27, 30, 33, (34 même si pas Flanker mais Fullback) et 35), et sa seule "évolution" (le Mig 35) n'a pas connu de succès (pour plein de raisons dont la concurrence des avions de la famille "Flanker").

Il apparaît donc aujourd'hui comme un peu dépassé. Son radar "AESA" était pourtant un atout que n'avaient pas les Su 30 ou 35.


Un petit retour sur le Mig29 OVT (qui aurait du devenir le Mig35, mais cette apellation concerne désormais une simple version améliorée du Mig 29, et je viens d'ailleurs d'en parler).

Le Mig 29 OVT avait des tuyères à poussée vectorielle orientables dans toutes les directions.

Il peut (pouvait), dès lors, utiliser la poussée vectorielle tout aussi bien pour le contrôle en tangage qu'en roulis, ou qu'en lacet, contrairement au F22 Raptor (par exemple) dont la poussée vectorielle ne peut agir que pour le contrôle en tangage (mais c'est l'essentiel).

Le Mig29 OVT peut (pouvait) donc réaliser des manoeuvres qui, par le passé, étaient réservées aux avions de dessins animés!

comme ceci:

-En 1: vol en crabe prononcé à droite, et à gauche.
-En 2: un virage presque sur place à vitesse ultra faible uniquement porté par les moteurs !!!!!
-En 3: une montée en chandelle, et redescente en basculant latéralement sur la gauche.


Ce ne sont que quelques exemples, d'autres manoeuvres ou une combinaison de plusieurs manoeuvres sont possibles.

Qui peut le plus peut le moins, le Mig 29 OVT est donc lui aussi capable (comme le 35) d'un "retournement" autour de l'axe de tangage en vol.



Le premier avion du monde à avoir exploré les possibilités de la poussée vectorielle "toutes directions", c'est le prototype X31.

Plutôt qu'une tuyère réellement orientable, il avait simplement trois "pétales" qui déviaient le jet de manière à orienter la poussée, mais cela marchait très bien.


Cet avion n'a pas eu de suite, et actuellement le seul chasseur américain connu utilisant la poussée vectorielle pour améliorer la manoeuvrabilité, c'est le F22 Raptor.


Le F35 B n'utilise une sorte de poussée vectorielle que pour l'assistance au décollage et à l'atterrissage. Ce n'est donc pas une "vraie" poussée vectorielle...


Et le F22 Raptor utilise la poussée vectorielle uniquement en tangage.



Le Su 57 utilise une poussée vectorielle "trois axes". On va reparler de ce cas (cet avion) là....



En attendant, les performances réalisées par les chasseurs modernes avec canards et/ou poussée vectorielle ont rendu inutiles certains choix aérodynamiques moins classiques qui auraient pu avoir un meilleur avenir, comme la flèche inverse par exemple.

Il y a quelques explications supplémentaires sur la flèche inverse à cette page ci.


On a beaucoup évoqué la manœuvrabilité ou l'agilité sur cette page, mais est-ce encore une bonne idée que de concevoir des avions très agiles à une époque où le combat aérien se fait, semble-t-il le plus souvent, avec des missiles à la fois à longue portée et ne nécessitant pas que l'avion tireur les guide jusqu'au bout (Des "fox 3, quoi)?

La réponse est oui, et c'est pourquoi l'agilité, la très haute manœuvrabilité, reste toujours dans le cahier des charges des projets d'avions pour le futur.

Contrairement à une croyance tenace, les engagements nécessitant de manœuvrer se sont poursuivis bien après la guerre du Vietnam.

On peut citer au moins:

-Le premier incident du Golfe de Syrte en 1981.

-Les combats au dessus de Beyrouth, ainsi qu’au Malouines, en 1982.

-Le deuxième incident du Golfe de Syrte en 1989.

-Certains engagements durant la guerre du golf en 1991 (Ex: combat entre Mig 29 et F15 en Irak le 19-01-1991).


Il y a, en plus, une croyance (fausse) que les manœuvres "exigeantes" sont réservées au combat "au canon", ce qui est faux, elles sont tout aussi nécessaires dans le cadre d'un combat utilisant des missiles, surtout à courte portée.

D'autant que les missiles guidés ne font pas tout. Manoeuvrer bien permet d'obtenir plus vite et plus facilement une position de tir (un missile ne peut trouver sa cible sous n'importe quel angle), et peut-être plus rarement, quoique, manoeuvrer peut permettre d'échapper à un missile, même tiré de loin.

Un tir de loin est un tir pour lequel le missile va voler plus longtemps et donc laisser, à l'avion cible, plus de temps pou changer de direction et donc de position prévue, (parfois même sans savoir qu'il est visé") ou mettre en œuvre des contre mesures..
Et si le tir de loin échoue le risque de rapprochement augmente...

Ajoutons aussi, que, dans certaines conditions (qui ont existé parfois en 1991 en Irak), il y a nécessité de confirmation visuelle d'une ou plusieurs cibles, et là, le combat qui suivra éventuellement sera forcément rapproché.





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