Influence de l'angle d'incidence

Il s'agit de l'angle que fait le plan de l'aile avec la direction de l'écoulement.

Lorsque l'angle d'incidence de l'aile augmente, les conditions changent aussi bien sous l'intrados que sur l'extrados. Nous allons voir ce qui se passe sous l'intrados et sur l'extrados l'un après l'autre, séparément, puis nous "réunirons" les deux.

1) Sous l'intrados.

Lorsque l'angle d'incidence est nul (aile parfaitement horizontale), on peut dire que l'intrados n'est soumis qu'à la pression statique, la pression dynamique n'agissant que dans la direction et le sens de l'écoulement qui est alors parallèle à l'intrados (à gauche sur le dessin ci-dessous).

Une surface placée perpendiculairement à l'écoulement recevrait aussi bien la pression statique que dynamique, donc la pression totale (à droite sur le dessin ci-dessus).

Entre la position horizontale (angle d'incidence nul) où seule la pression statique agit, et la position verticale (angle d'incidence de 90°) où la pression statique et la pression dynamique agissent toute deux pleinement, il y a tous les angles intermédiaires pour lesquels l'action de la pression dynamique augmente progressivement avec l'angle.

Attention, les flèches rouges représentent la pression dynamique, pas l'écoulement d'air!!!!

On peut donc dire qu'au niveau de l'intrados, l'augmentation d'angle d'incidence entraîne une augmentation de la pression dans son ensemble, donc de la portance.

Nous verrons plus tard que les choses sont un petit peu plus compliquées, et que quelque chose se passe au niveau de l'extrados qui, à partir d'un certain angle, fait plutôt chuter la portance: c'est le décrochage, on y reviendra.

2) Sur l'extrados:

Lorsqu'un objet est contourné par un écoulement, cet écoulement "s'ouvre" devant l'objet pour le contourner de tous les côtés, et se "referme" derrière pour continuer sa "route", comme ceci:

L'endroit où l'écoulement se sépare et "s'ouvre", et celui où l'écoulement se "referme" s'appellent les points d'arrêt, ou plus exactement, la séparation se fait juste devant le point d'arrêt.

Au point d'arrêt lui-même, l'écoulement est bloqué.Sur un profil elliptique, les points d'arrêts "amont" et "aval" se trouvent respectivement au bord d'attaque et au bord de fuite.

Si le profil fait un certain angle avec l'écoulement, on retrouve les points d'arrêts de chaque côté, à ceci près que le point d'arrêt amont se trouve désormais un peu en dessous du bord d'attaque, et que le point d'arrêt aval se trouve un peu au dessus du bord de fuite, comme ceci:

Pour rejoindre le point d'arrêt aval, l'air passant sous le profil contourne donc le bord de fuite et remonte.

=> Ça signifie que le fluide s'écoule sans déviation** et donc qu'il n'y a pas de portance (c'est une conséquence du paradoxe de D'Alembert, sauf que lui ne s'applique vraiment totalement qu'aux fluides parfaits).

(**) On reparlera de cette déviation dans une deuxième description de la portance, un peu plus bas sur cette page.



Si maintenant, on remplace ce profil elliptique par un vrai profil d'aile, c'est à dire par un profil dont le bord de fuite est effilé, cela change tout.

L'air passant sous l'intrados ne peut contourner un bord de fuite très mince parce que cela implique, pour l'air, de pouvoir effectuer un virage "en épingle à cheveux" sous une accélération centripète "gigantesquissime".

Si le bord de fuite était d'épaisseur nulle, cela exigerait même une accélération infinie!

La conséquence de cela, c'est que le point d'arrêt aval d'une aile est toujours au bord de fuite, même si l'angle d'incidence augmente.

Pour être tout à fait complet et exacte, disons que le point d'arrêt se fixe au bord de fuite, mais pas immédiatement. Au début, lorsque l'écoulement commence, le bord de fuite est contourné, mais comme cela demande justement un virage trop prononcé, il se forme d'abord un tourbillon qui est ensuite emporté par l'écoulement, comme ceci:

Et le point d'arrêt se fixe alors au bord de fuite.


Puisque l'air passant sous l'intrados ne peut en aucun cas revenir sur l'extrados en contournant le bord de fuite, cela signifie que la zone située au dessus de l'aile ne peut être "alimentée" que par l'air passant sur l'extrados, quoi qu'il arrive.


On voit, sur le dessin ci-dessous, qu'au fur et à mesure que l'angle d'incidence augmente, l'air passant sur l'extrados, doit "alimenter" seul, une zone, s'élargissant de plus en plus (Cette zone approximativement triangulaire (donc un secteur) est comprise entre, d'une part, une ligne horizontale passant par le sommet de l'extrados et d'autre part la paroi de ce même extrados)

C'est la zone colorée en bleu "derrière" l'aile, sur le dessin ci dessous.

Puisque, à mesure que l'angle d'attaque augmente, la zone est de plus en plus grande, il lui faut de plus en plus d'air, ce qui n'est possible que si le flux d'air accélère.


Il apparaît donc, dans cette zone, une légère dépression qui favorise l'accélération du flux, même en amont.


On peut déjà remarquer ici que l'accélération de l'écoulement est, dans ce cas ci, due à la formation d'une zone de dépression pour des raisons "géométriques" au sens large (l'impossibilité de contournement par le bas, et l'augmentation, avec l'angle d'attaque, du "secteur" (zone bleue) situé dans "l'ombre aérodynamique" de l'extrados).

Et donc la dépression, en certains endroits et certaines circonstances, précède/induit l'accélération.


Il y a donc accélération du flux en amont. cette accélération s'y traduit par une baisse supplémentaire de la pression statique, et donc par une augmentation de la portance (donc aussi en amont).

  L'accélération de l'écoulement "en amont" est surtout sensible sur le "sommet" du profil (avant de se disperser dans la zone bleue) c'est donc près de ce sommet que la portance augmentera le plus.

Plus l'angle d'incidence augmente, plus le "sommet" se rapproche du bord d'attaque, c'est pourquoi la portance avance un peu avec l'incidence.

Lorsque l'angle d'incidence devient trop grand (dernier dessin ci dessus à droite), l'écoulement ne peut suivre le contour du profil (virage trop court), et il y a alors décollement (l'écoulement n'adhère plus au profil) avec formation de fortes turbulences (on parle alors de régime tourbillonaire, avec boucle ramenant l'écoulement vers l'avant (= recirculation) ), et ce phénomène détruit la portance, c'est le décrochage dont on reparlera plus tard.

L'accélération du flux d'air sur l'extrados de l'aile est donc due à un effet de type venturi (conservation du débit massique dans une zone où la place manque), auquel s'ajoute un effet de dépression d'extrados supplémentaire liée à l'augmentation de l'angle d'incidence.



On entend souvent dire que cette accélération serait due à une différence de distance à parcourir entre l'extrados et l'intrados, c'est absolument faux, on peut d'ailleurs montrer en soufflerie que les deux flux ne se rejoignent pas en même temps, celui passant par l'extrados arrive avant et cela d'autant plus que l'angle d'incidence augmente.




On a vu l'influence croissante de la pression dynamique (flèches rouges) sous l'intrados avec l'angle d'incidence.

On a vu aussi comment l'air passant sur l'extrados est accéléré au fur et à mesure que l'augmentation de l'angle d'incidence "ouvre" un secteur qu'il est seul à pouvoir "alimenter". En combinant ce qui se passe sous l'intrados et sur l'extrados, on obtient ça:

Attention, les flèches rouges représentent la pression dynamique, et pas l'écoulement, par contre, les flèches bleues représentent bien l'écoulement d'air, mais seulement au niveau de l'extrados!!!

L'augmentation de la portance avec l'angle d'incidence vient à la fois de l'augmentation de l'action de la pression dynamique sous l'intrados, et de l'augmentation de la vitesse d'écoulement sur l'extrados (surtout la partie avant) à cause de la légère dépression qui règne en aval.

La portance est donc due à une différence de pression, surpression sous l'intrados et dépression sur l'extrados.



Il existe une deuxième façon de décrire la portance, basée sur le principe d'action et de réaction, elle est tout aussi valable, la voici:

Si l'air produit une poussée sur l'aile de l'avion, le principe d'action et de réaction veut qu'en retour, l'aile exerce une poussée sur l'air.

Inversement, on peut dire que l'aile pousse l'air vers le bas, et qu'en réaction, l'air repousse l'aile vers le haut.

On peut aussi y appliquer l'équation F = m a, la portance résulte de accélération d'une certaine masse d'air vers le bas (quand on dit vers le bas c'est au sens large, nous verront plus loin que cela se traduit simplement par l'inflexion des lignes de flux de l'écoulement).

Pour obtenir une portance, il faut diriger l'écoulement d'air, au moins en partie vers le bas, ou pour le dire d'une manière plus "physique", il faut modifier sa quantité de mouvement de manière à ce que sa composante verticale dirigée de haut en bas soit augmentée.

Une aile dévie l'air vers le bas aussi bien par son intrados

que par son extrados, en effet, du fait de sa viscosité, l'air à tendance à "adhérer" à la paroi et à suivre la courbure du profil.

Cette tendance de l'air à adhérer à la paroi est due à sa viscosité, et cela s'appelle: l'effet Coanda.

C'est le même effet qui est responsable du fait que si vous faites couler de l'eau sur un objet rond, l'écoulement suit la courbe de l'objet plutôt que de tomber dès que possible.



Remarque: l'intrados ne dévie l'air vers le bas que si l'angle d'incidence est non nul, par contre, grâce à cet effet Coanda, l'extrados peut dévier l'air même à angle d'incidence nul.

C'est normal, un profile d'aile classique a déjà une certaine portance à angle d'incidence nul, et il n'y a de portance que s'il y a déviation, c'est une question de respect du principe de conservation de la quantité de mouvement, mais nous y reviendrons.

ATTENTION!! L'effet Coanda explique que l'écoulement suive le profil, mais cet effet n'agit pas à distance, or le phénomène de portance implique une influence bien plus étendue que la seule couche au contacte de la paroi.

Mais c'est oublier qu'il ne peut pas y avoir de séparation entre, d'un côté une couche qui suivrait une trajectoire descendante le long du profile, et le reste qui continuerait tout droit, parce que ça créerait un vide (zone jaune ci dessous). Un vide (ou au moins une dépression) réel cette fois contrairement à l'intuition fausse qui dicte la croyance à l'explication dite des parcours de longueur différentes.

C'est comme lorsque l'on nage, on (re)pousse l'eau avec la paume de la main, mais ce n'est pas pour autant que le dos de la main se retrouve "au sec". Le mouvement de lam ain enraîne une grande quantité d'eau, même en amont, et de la même façon, le mouvement de l'air (proche) induit par l'aile se communique loin.



En réunissant ce qui se passe tant au niveau de l'intrados que de l'extrados, et en élargissant, on obtient ça:

En amont de l'aile, l'écoulement remonte un peu, sous l'influence de la zone de basse pression de l'extrados, c'est le upwash; en aval l'écoulement est descendant, c'est le downwash; ensuite, les couches inférieures amortissent le mouvement descendant, et le flux retrouve sa trajectoire "d'origine".