La portance

1) Incompressibilité de l'air.

Les molécules d'air sont animées de mouvements incessants; elles se heurtent, rebondissent, se heurtent à nouveau pour rebondir encore. Toutefois, et malgré toutes ces collisions, la distance moyenne qui les sépare reste constante et dépend uniquement de la pression et de la température.

On ne peut donc pas les rapprocher sans agir sur la pression et/ou la température.

Le simple déplacement d'un objet est donc incapable de provoquer un rapprochement des molécules (une compression). Ceci n'est valable qu'à vitesse subsonique, mais on en reparlera. Pour être tout à fait précis, un début de rapprochement commence à des vitesses de l'ordre de 400 Km/h, mais c'est à l'approche du mur du son (et au delà, bien sûr) que le changement est radical.

L'air est donc considéré comme totalement incompressible en dessous de 350 à 400 km/h (le déplacement d'un objet à cette vitesse ne produit donc pas, de compression d'air en amont, ou si peu que l'on peut considérer cela comme négligeable),

plus ou moins incompressible au dessus de 350 à 400 km/h (le déplacement d'un objet à cette vitesse produit donc une légère compression d'air en amont),

et compressible tout court pour des vitesses transsoniques et supersoniques (le déplacement d'un objet à cette vitesse comprime donc l'air en amont).

ATTENTION!!! Incompressible ne signifie pas totalement rigide, cela signifie simplement que les molécules d'air refusent de se rapprocher, et s'échappent dès que l'on tente de les y forcer.

Si l'on veut être pointilleux, l'air n'est jamais totalement incompressible, même à basse vitesse, mais l'erreur induite par l'hypothèse d'incompressibilité est si faible (5% à 350 Km/h) qu'il y a tout intérêt à utiliser cet artifice qui permet une simplification de calcul. Par contre, si l'on veut vraiment comprimer de l'air, la méthode la plus efficace est de l'empêcher de s'échapper en l'enfermant dans une enceinte close.......

2) Accélération de l'écoulement.

Si l'on fait passer de l'air dans un tube présentant une zone de section nettement plus faible (étranglement) pour obliger les molécules à s'y rapprocher, elles "s'échapperont" en accélérant dans la zone de faible diamètre pour ne pas se rapprocher. La force avec laquelle on tentera d'obliger les molécules à se rapprocher ne servira qu'à les accélérer.

Le venturi

Un venturi est un dispositif, tel que représenté ci dessous, formé d'un tube qui présente un étranglement.

L'air circule de A vers C en passant par B.

Il ne pourra entrer dans la zone en A que la quantité d'air qui passera ensuite dans la zone B, parce qu'il est tout simplement impossible que de l'air puisse s'accumuler indéfiniment dans la zone A. Imaginons une augmentation du débit entrant dans le venturi (en zone A). Cela provoquerait immédiatement une hausse de pression dans cette même zone (en A). Une plus forte pression dans la zone A, s'opposerait à cette augmentation du débit entrant et renforcerait le débit s'évacuant par la zone B. Au total, un nouvel équilibre apparaîtrait dans lequel le débit en B serait toujours égal au débit en A. En d'autre termes le débit est toujours conservé de l'entrée (en A) à la sortie (en C).

Pour avoir le même débit dans une section étroite (B) que dans une section large (A ou C), il faut que la vitesse de l'écoulement soit plus grande dans la section étroite, et plus faible dans la partie large. L'étranglement provoque donc une accélération de l'air.

Pour visualiser la chose, on peut imaginer un cube d'air devant traverser un venturi.
Les dimensions du cube d'air ne lui permettent pas de passer dans l'étranglement sans "s'amincir". L'hypothèse d'incompressibilité de l'air impose alors qu'il s'allonge pour compenser l'amincissement et conserver ainsi le même volume.

L'allongement se produit grâce à l'accélération du flux dans la zone étroite.

3) Pression statique/pression dynamique

Il existe deux types de pression dans un gaz:

  1. la pression statique, celle que nous connaissons tous et que nous appelons tout simplement "pression' sans penser qu'il pourrait y en avoir une autre; elle s'exerce à tout moment et dans tous les sens.
  2. la pression dynamique qui est une conséquence de la vitesse de déplacement du fluide, elle ne s'exerce que dans la direction et le sens de l'écoulement (c'est en quelque sorte: "la force du vent").

La façon la plus simple d'expérimenter les deux pressions est de passer sa main par la fenêtre d'une voiture ou d'un train roulant vite.

Le côté de la main exposé au vent relatif subit la pression dynamique (due au vent relatif) ET la pression statique (ben oui puisqu'elle s'exerce partout et dans toutes les directions), tandis que le côté à l'abri du vent relatif ne subit QUE la pression statique.

Résultat: la main est repoussée vers l'arrière avec une force issue de la différence entre: d'une part la pression dynamique + la pression statique (face au vent), et d'autre part, la pression statique seule (l'autre face), cette différence équivaut à la pression dynamique seule.

PETITE PRÉCISION FACULTATIVE MAIS UTILE PARFOIS (Ça veut dire qu'on peut se passer de la partie en bleu).

Le théorème de Bernouilli, valable pour l'écoulement d'un liquide de viscosité nulle s'obtient à partir de le conservation de l'énergie :

L'énergie totale est la somme de l'énergie cinétique (1/2 m v²) + l'énergie potentielle (m g h) + éventuellement, l'énergie due à une pression supplémentaire (si l'on est dans une enceinte pressurisée, par exemple), et qu'on notera P . V (1)

On a donc si: m = masse, v = vitesse, g = accélération pesanteur, h = hauteur de la colonne de fluide, P = pression «supplémentaire» (cas d'un fluide comprimé), V est le volume de la portion de fluide étudié,

1/2.m.v² + m.g.h + PV (1) = énergie totale qui doit être constante pour respecter le principe de conservation de l'énergie.

Et donc: 1/2.m.v² + m.g.h + PV(1) = Constante (Cte)

(1) P V = travail mécanique effectué, par exemple par le piston qui injecte le fluide car la pression fois le volume (P . V) = la pression fois la surface fois la longueur(on a simplement décomposé le volume en surface fois longueur), Donc P . V = P . S .L, mais comme une pression est une force divisée par une surface, alors une pression multipliée par une surface est une force, donc P . S = F , donc P . S . L = F . L.  Mais une force multipliée par une longueur, c'est un travail et donc une énergie. Et donc P . V représente bien l'energie de pression et on a:

P V  = P . S . L = F . L = W(et W c'est l'énergie).


Reprenons l'équation: 1/2.m.v² + m.g.h + PV = Cte

En divisant cette équation par le volume V. On obtient la relation de Bernouilli :

1/2 rho v² + rho gh (+ P) = constante   (Parce que rho est la masse (m) divisée par le volume (V) )

rho est la masse volumique du fluide incompressible (en kg/m3)

1/2 rho v² est la pression dynamique.

rho gh est la pression statique (atmosphérique dans le sujet qui nous préocupe).

La dernière partie (+P) est nulle dans le cadre de notre sujet, puisque l'atmosphère n'est pas pressurisée en plus de la pression atmosphérique qui est déjà là sous forme de rho.g.h

Ce qui donne: 1/2 rho v² + rho gh = Cte

FIN DE LA PETITE PRÉCISION FACULTATIVE


La somme de la pression dynamique et de la pression statique  s'appelle la pression totale, et elle est constante (c'est à dire que sa valeur ne change pas).

On a donc: Pdyn + Pstat = Ptot avec Ptot constante.

Plus la pression dynamique (Pdyn) augmente plus la pression statique (Pstat) doit diminuer pour que la somme des deux (la pression totale) reste constante.

La pression dynamique dépend de la vitesse, elle vaut 1/2 ρ V², avec ρ: la masse volumique de l'air, et V sa vitesse d'écoulement, donc plus la vitesse augmente, plus la pression dynamique augmente, et plus la pression statique diminue.

Conclusion: plus la vitesse augmente plus la pression statique diminue.

Application: si l'on perce un trou dans la paroi d'un venturi au niveau de l'étranglement (là où la vitesse de l'écoulement est la plus grande), on y constate une baisse de la pression statique. Cette baisse de la pression statique peut être utilisée pour créer une aspiration.

Qu'est-ce qui pousse les molécules à accélérer dans la partie étroite?

Pas besoin d'évoquer la magie, il s'agit d'une simple transformation d'une partie de la pression statique en pression dynamique, donc en vitesse. On peut voir cela comme si les mouvements désordonnés des molécules à l'origine de la pression statique étaient canalisés dans une seule direction et un seul sens, se transformant ainsi en vitesse. Puisqu'il y a transformation d'une partie de la pression statique en pression dynamique (par "canalisation), il y a donc une "perte" de pression statique au profit de la pression dynamique. On retrouve ici la baisse de pression statique qui accompagne l'accélération d'un écoulement.

Puisque l'air accélère dans la zone étroite d'un venturi par manque de place, il doit le faire aussi dans toute les autres situations où un manque de place existe. C'est le cas, par exemple d'un obstacle qu'il faut contourner, car les molécules d'air dont la trajectoire rencontre l'obstacle devraient, théoriquement se "serrer" sur leur voisines dont la trajectoire passe à côté. Elles ne le feront pas, mais elles accéléreront pour que tout le monde puisse passer sans trop se rapprocher.

Si l'on coupe la sphère en deux, comme ci dessous, seules molécules passant par le dessus seront obligées de contourner quelque chose, donc d'accélérer pour éviter de devoir se rapprocher.

Une aile aussi est un obstacle asymétrique.

Comme vous pouvez le voir les deux faces sont différentes.

Celle du dessus, appelée extrados, est très "bombée", et celle du dessous, appelée intrados est presque plate.Le résultat de cette dissymétrie, c'est que l'air passant sur l'extrados doit contourner l'obstacle constitué par l'aile (donc accélération pour éviter le rapprochement) tandis que l'air passant sous l'intrados n'a pratiquement aucun obstacle à contourner.

Il y aura donc accélération de l'air sur l'extrados, et pas ou presque pas sous l'intrados. L'air s'écoulera donc plus rapidement sur l'extrados que sous l'intrados.

Cette augmentation de la vitesse d'écoulement a pour effet de provoquer une baisse de la pression sur l'extrados par rapport à l'intrados.

La différence de pression ainsi créée entre l'intrados et l'extrados produit une force dirigée de bas en haut, c'est la portance.

Remarque: il ne faut pas déduire de ce qui précède que l'extrados d'une aile (le dessus) serait une sorte de venturi incomplet ou de demi venturi, il y a, en effet de nombreuses différences entre les deux; mais la raison pour laquelle il y a accélération de l'air est la même, le "manque de place" et la conservation du débit.

On utilise aussi parfois l'expression: "effet venturi" pour désigner cette accélération par manque de place sans pour cela faire d'amalgame entre aile et venturi.

Une petite remarque au passage, mais qui peut avoir son importance pour éviter les confusions.

La baisse de pression statique dans un venturi est due au fait que les mouvements désordonnés des molécules S'ORIENTENT PRÉFÉRENTIELLEMENT DANS LA DIRECTION ET LE SENS DE L'ÉCOULEMENT pour passer dans l'étranglement (elles sont canalisées), ainsi il y a MOINS de mouvements en direction des parois latérales (et donc moins de pression sur ces parois) et PLUS de mouvement dans le sens de l'écoulement (et donc PLUS de pression dans le sens du mouvement c'est à dire plus de pression DYNAMIQUE).

On remarque clairement sur le dessin, les petites flèches représentant les vecteurs vitesse des molécules qui s'orientent plutôt dans la direction du mouvement lors du passage dans l'étranglement.

La même chose (ou presque) se produit lors d'un contournement d'obstacle (une aile par exemple).

On voit donc clairement comment l'augmentation de la vitesse (donc de la pression dynamique) entraîne la diminution de la pression statique (ce qui est gagné d'un côté est perdu de l'autre), MAIS UNIQUEMENT DANS LE CAS OÙ L'ACCÉLÉRATION EST RENDUE NÉCESSAIRE POUR COMPENSER UN MANQUE DE PLACE, ET DONC SANS APPORT D'ÉNERGIE. En d'autres termes, le vent ne change pas la pression.

C'est cela qui est symbolisé dans le dessin ci dessous, le cube d'air emporté par le vent ne se déforme pas pour passer dans une zone étroite, ou contourner un obstacle, il n'y a donc PAS de baisse de pression statique (la pression dynamique augmente, par contre, mais grâce à l'apport d'énergie supplémentaire du au vent).

Autre chose encore, dans le cas d'une aile (ou tout autre obstacle à contourner), il n'y a rien qui limite l'expansion verticale de l'écoulement au dessus de l'extrados (il n'y a pas de "cloison" du côté de la ligne pointillée rouge).

Pour cette raison (parce que l'air peut "s'échapper" verticalement) l'accélération de l'air lors d'un contournement d'obstacle est temporaire; elle s'estompe si l'écoulement ne subit plus de changement. Exemple: lors du contournement d'un obstacle de ce genre:

Il y a accélération du flux d'air entre A et B, puis relâchement et retour progressif à une pression statique normale entre B et C.

Cela signifie-t-il que la pression statique sur une aile réaugmente après le passage du "sommet" de l'extrados? Non, mais la dépression qui se forme dans la partie "descendante" du profil, est due à une autre cause, et elle est d'autant plus forte que l'angle d'incidence est grand. On en parle à la page suivante.