Des canards sur un Mirage 5! Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour apprécier, la Belgique a revendu ses Mirages 5 dès qu'ils ont été modernisés, ne conservant que les F16.

L'image est de la galerie du soixantième anniversaire de la Faé B sur www.mil.be.

LES CANARDS

On vient de voir que les deltas "sans queue" affichaient de bonnes performances aux hautes vitesses, mais qu'ils connaissaient quelques défauts aux basses vitesses. Pour améliorer la formule, deux pistes* ont été suivies.

(*) En fait trois si on ajoute la solution, très rarement choisie, utilisée sur le Saab Draken consistant à allonger la corde de l'aile du côté emplanture grâce à une extension qui, étant "portante", avance le centre de portance et donc allonge le bras de levier.


Première piste: la pose de canards: en avançant le centre de portance, les canards allongent du même coup le bras de levier (et on peut donc ranger la "solution Draken" dans la même case approximativement).

Les performances au décollage, à l'atterrissage et la manoeuvrabilité s'en trouvent largement augmentées.

En virage serré à basse vitesse, un mirage 3 perdait pas mal de vitesse malgré la poussée du réacteur (il faut reconnaitre aussi que ce dernier n'était pas très puissant).

La seule pose de canards a permis de raccourcir les distances de décollage de d'atterrissage tout en réduisant fortement la perte de vitesse en virage serré. Alors, si en plus, on les remotorise avec plus de puissance...

En fait, un mirage 3 avec canards et une dizaine de tonne de poussée peut pratiquement rivaliser avec un F16 en terme de manoeuvrabilité** (à équivalence de facteur de charge évidemment, puisque les deux appareils sont différents sur ce point aussi).

(**) Surtout côté cadence angulaire instantanée (= avec perte de vitesse), mais pas en cadence soutenue (= sans perte de vitesse), pour cause de couple piqueur (stabel) sur l'un et cabreur (instable) sur l'autre.

On en a déjà parlé, ce choix diminue tellement la traînée en virage que ces avions sont naturellement meilleurs en terme de cadence de virage soutenue, toutes autres choses étant égales par ailleurs.


Bien sur, ces canards produisent un peu de trainée (pas beaucoup, car ils n'ont pas besoin d'être grands). Mais les avantages obtenus font oublier ce petit surcroit de trainée (surtout si on remotorise).

Les canards sont, en outre, des inducteurs de vortex (ça marche aussi avec les extensions du Draken qui agissent comme des apex); ce qui est toujours utile aux grands angles d'attaque. Et enfin ils peuvent contribuer à améliorer l'écoulement sur l'extrados (là c'est non pour le Draken, en tous cas pas comme ça).


Remarquez que ces avantages (amélioration de l'écoulement et vortex) dus aux canards sur le rafale viennent de leur position proche du bord d'attaque de l'aile.

Pour ceux qui choisissent de placer les canards très "en avant", les vortex produits, du fait de leur divergence, viennent impacter l'aile plutôt que de passer utilement sur l'extrados.




Deuxième piste: l'instabilité. En plaçant le centre de gravité en arrière du centre de portance, plus besoin de grand débattement de gouverne; souvenez vous, on en a déjà parlé (à la page: LES AVANTAGES DU COUPLE CABREUR ET LES DELTAS).

L'exemple type pour cette solution est le Mirage 2000. N'oublions pas cependant que l'adoption d'un équilibre instable exige l'emploi de commandes de vol électriques contrôlées par ordinateur.

Pourquoi ne pas utiliser à la fois des canards et une instabilité? Et tant qu'à faire de mettre des canards, pourquoi ne pas leur demander de participer au contrôle en tangage? On appelle cela être équipé de canards actifs.

L'idée n'est pas neuve, les premiers avions fonctionnaient ainsi; ils volaient "la queue en avant", mais heureusement : à trente kilomètres à l'heure!

En effet, le contrôle de profondeur placé en avant génère une instabilité semblable si pas supérieure au centrage arrière (centre de gravité en arrière du centre de portance) d'un avion comme le F16. Et voici pourquoi:

Rappelez vous, au chapitre concernant le contrôle en tangage, nous avons vu comment l'équilibre pouvait être obtenu grâce au fait que la force induite par la gouverne de profondeur (lorsque celle-ci est braquée vers le bas) diminuait à mesure que l'angle d'attaque de l'avion augmentait.

La gouverne étant braquée vers le bas, son angle par rapport au flux d'air est tout d'abord orienté vers le bas et se "relève" au fur et à mesure que l'avion se cabre.

Si la gouverne de profondeur se trouve à l'avant, pour cabrer l'avion, elle doit se cabrer vers le haut et NON PAS vers le bas comme le font les gouvernes placées à l'arrière. Ca donne ceci:

On voit tout de suite que l'angle (alpha) entre le canard et le vent relatif augmente en même temps que l'angle d'attaque de l'avion.

Donc la force produite par la gouverne augmente au fur et à mesure du cabrage de l'avion.

Ceci tend à augmenter encore le cabrage de l'avion; cabrage qui, à son tour, provoquera l'augmentation de l'angle du canard qui à son tour...........

Vous le voyez, loin de trouver un nouvel équilibre, l'avion se cabrera de plus en plus jusqu'au décrochage.

Sur les premiers avions, le pilote pouvait compenser en repoussant le manche chaque fois que son avion commençait à se cabrer plus que prévu mais il volait à....30 Km/ heure !

Un rafale vole à des vitesses pour lesquelles la compensation par le pilote n'est plus possible.

Il faut donc utiliser des commandes de vol électriques gérées par ordinateur (surtout qu'en plus des canards, le rafale, par exemple, est conçu avec un couple cabreur).

Puisque nous en somme à parler du Rafale, faison un petit bilan:

  1. une aile delta donnant une grande surface alaire et donc une grande portance.
  2. une instabilité naturelle permettant un très faible débattement de gouverne et donc une faible trainée en manoeuvre.
  3. des canards actifs permettant de répartir le travail de la gouverne de profondeur entre les élevons et les canards précisément.

Si le travail est réparti, ça signifie, pour les différentes gouvernes, moins d'efforts donc moins de débattement nécessaire.

Les canards ont d'autres avantages: ils améliorent l'écoulement sur l'extrados, produisent des vortex utilent aux grands angles d'attaque et enfin, en se braquant convenablement, ils avancent suffisamment le centre de portance pour permettre à l'avion d'atterrir élevons braqués vers le bas (ce qui signifie plus de portance, et moins de vitesse nécessaire, moins de cabré, moins de distance d'atterrissage; en fait que du bonheur).

Conclusion: avec sa grande portance, son instabilité gérée par commandes de vol électrique et ses canards, le Rafale a presqu'obligatoirement une agilité énorme.


Je vous ai dit que les avions instables en général, et les avions équipés de canards actifs peut être plus particulièrement, étaient impilotables sans le secours d'un ordinateur.

Pour illustrer ce fait, prenons un cas de la vie courante où le "pilotage" est délicat.

Pour cela, attachez une remorque derrière votre voiture, et ensuite, manoeuvrez en marche arrière. Ce n'est pas vraiment facile mais c'est faisable avec un peu d'entrainement, d'autant que vous ne dépasserez pas les quelques kilomètres à l'heure.

Le niveau de difficulté est alors comparable à celui que connurent les frères Wright qui volaient "queue en avant" mais lentement.

Mais pour pouvoir comparer avec un Rafale, il faut faire ces manoeuvres (en marche arrière avec remorque) à 100 Km/heure... bonne chance!

Sachez aussi qu'à vitesse supersonique, le centre de portance d'une aile recule. En reculant, le centre de portance peut repasser derrière le centre de gravité , faisant d'un avion à couple piqueur un avion à couple cabreur.

Quand cela se produit, entre la position: "couple cabreur" et la positon: "couple piqueur", il faut nécessairement passer par une position : "couple nul". Cette position à été décrite plus haut comme: impilotable, ou très difficilement pilotable.

Pour un pilotage "en directe" oui, mais avec des commandes électriques gérées par ordinateur, ça ne pose pas de problème.

Pour des avions delta comme le Mirage 2000, l'instabilité signifie des élevons "en ligne" ou au pire faiblement braqués vers le bas en subsonique, et faiblement braqués vers le haut en supersonique. Donc, dans un cas comme dans l'autre, les élevons sont presque toujours dans l'alignement de l'aile, ne générant presque pas de trainée. Pour le Rafale, c'est souvent le canard qui est légèrement braqué vers le bas, d'autant qu'il est placé dans le "upwash", ce dont il faut tenir compte pour estimer le "vrai" angle d'incidence.