Les pages précédentes ont montré qu'il était possible, avec quelques
connaissances de base, d'estimer les performances probables des
avions, et donc aussi de juger de la valeur de certaines critiques, et
s'apercevoir qu'elles sont rarement honnêtes. Maintenant, on va voir
que c'est parfois insuffisant.
Parfois, n'utiliser que la portance (et la charge alaire), la
motorisation, les inducteurs de vortex et les dispositifs
hypersustentateurs comme on l'a fait jusqu'ici, ne permet pas
d'estimer le résultat probable sur les performances.
Deux exemples..... qui, en plus, font partie de ces "critiqués" dont
je parlais au début. C'est doublement pédagogique.
Le Mig23.
Remarquez l'évolution du dessin de la queue...
Selon les chiffres publiés, on a:
De 34 à 37 m² de surface alaire (selon la position de l'aile), 370
kg/m² de charge alaire, un rapport poussée/poids de 0,9.
La contribution du fuselage à la portance est négligeable.
À défaut d'apex, la partie fixe de la voilure en fait office aux
angles de flèche d'aile faibles et moyens, et les puissants
décrochements de bords d'attaque, visibles lorsque les ailes se
replient, prennent le relais, surtout pour une flèche maximale.
Sur la seule base de la charge alaire, du rapport poussée/poids et des
générateurs de vortex, etc, cet avion est tout à fait "dans les
normes" pour être un très bon chasseur, assez manœuvrant (sans excès
toute fois), avec juste la problème du couple piqueur (équilibrage
longitudinal "classique"), qui affiche une traînée en virage plus
importante que les avions "dits" instables.
Mais, puisque je le donne en exemple de cas où l'estimation des
performance sur les bases simples utilisées jusqu'ici est trompeuse,
c'est forcément qu'il y aura des "surprise".
Après avoir dit, ci dessus, ce que les principes et notions de
bases nous poussent à dire, je vais ajouter d'autres chiffres publiés
(taux de virage), et les résultats de tests (en tous cas les
déclarations faites au sujet de ces tests).
Avec tout ça, il devrait y avoir assez d'infos pour se faire une
idée de la réalité, et, plus intéressant, de la validité des
critiques.
Je cite rarement les chiffres de taux de virage publiés parce qu'ils
sont trop souvent donnés dans des conditions précises (donc non
valables en dehors de ces conditions), et pas toujours les mêmes....
lorsqu'ils sont vrais... et tout ça est suceptible d'induire en
erreur.
Exemple:
La cadence angulaire soutenue du Mig 23 (les versions récentes) est
donnée comme légèrement supérieure à 14°/sec, et sa cadence angulaire
instantanée est donnée comme un peu inférieure à 17°/sec (pour une
vitesse de 900km/h).
Ces chiffres sont donnés pour une vitesse et une altitude précises, et
là où on voit toute l'importance de bien préciser les conditions,
c'est que si on ne tient pas compte de ces précisions ou conditions,
on peut très bien trouver des chiffres moins bons pour le F16, ce qui
serait ridicule (le F16 est l'un des avions les plus agiles de sa
génération).
Que ce soit au niveau des chiffres reconnus, des tests honnêtes*, ou
des estimations sur base d'images de meetings aériens, on peut déjà
être certain que celui qui affirme que le Mig 23 manœuvre très
mal est de mauvaise foi (ou est trompé par un autre).
(*) Pour pouvoir être qualifiée "d'honnête", il faut que l'évaluation
soit faite par quelqu'un d'impartial, donc neutre.
Ce n'est pas facile à trouver et surtout pas facile à prouver,
alors, à défaut de pouvoir être certain de l'impartialité de celui à
qui l'on choisi de faire confiance, on peut déjà se dire que c'est un
point positif si cette personne.
- N'appartient ni au camps de ceux qui construisent l'avion "testé",
ni à un camps que l'on peut qualifier "d'adverse".
-Appartient à un camps adversaire de celui qui construit l'avion
"testé", MAIS donne tout de même une estimation positive.
-Appartient au camps de ceux qui construisent l'avion "testé", MAIS
donne tout de même un avis négatif.
À cela, il faut ajouter que tout avis difficilement conciliable
avec la physique, et tout avis excessif, en bien comme en mal, est
à rejeter.
Au sujet du MIg 23 je retiens comme indice (jamais comme preuve, un
jugement est un avis, pas une preuve) deux cas appartenant à deux
situations différentes.
Premier cas: L'évaluation des capacités du Mig 23 MLD "Flogger
G" réalisée en Israel (pays considéré dans ce cas comme neutre) sur un
avion "apporté" par un pilote Syrien (Major Adel Bassem) fuyant la
Syrie en Octobre 1989. C'est le Lieutenant Colonel Ofer Safra qui a,
tout d'abord, appris à voler sur le Mig puis ensuite évalué l'engin en
simulant des combats contre un F15, entre autres.
Un Mig 23 avec, à la foi, l'étoile de David et le drapeau syrien!!!
C'est le fameux Mig 23 'Flogger G" testé par le Lieutenant Colonel
Ofer Safra. Il est désormais exposé au musée de la force aérienne à
Hatzerim.
Verdict:
----Les israéliens ont été impressionné par la puissance du moteur
et les accelerations du MiG 23.
----L'avion affiche une bonne manœuvrabilité mais demande un
travail permanent (entre autres sur la flèche d'aile dont la commande
est manuelle) pour obtenir ces résultats.
----Son avionique est très bonne, en particulier le radar.
En gros, le Lieutenant Colonel Ofer Safra le décrit comme du même
niveau que le F4 Phantom, mais avec un meilleur radar.
Côté négatif: L'ergonomie du cockpit et la visibilité vers l'arrière
sont pauvres, et les commandes sont assez dures.
Deuxième cas:
Un néerlandais (Leon Van Maurer), qui a 1200 heures de vol
sur F16 a fait des simulations de combat contre un MiG 23 ML en
Allemagne.
Il a jugé le MiG 23 ML supérieur au F-16 A, dans les évolutions
verticales, et juste un petit peu inférieur, toujours au F 16A, dans
les évolutions horizontales. Il a, lui aussi, considéré qu'il avait un
meilleur radar.
Son évaluation vient de l'extérieur, il était adversaire du Mig dans
l'exercice et donc il ne le pilotait pas lui même.
C'est pourquoi il ne peut pas parler de l'ergonomie et de la
visibilité, etc.
De plus, il peut être amené, par différents biais (parce qu'il est
dans l'autre avion et parce qu'il veut peut-être faire preuve d'un
maximum de neutralité) à exagérer ou minimiser certains points.
Je dis cela parce que, si la supériorité du Mig 23 en manœuvre
ascensionnelles est à la fois physiquement compréhensible et
correspond aussi à l'évaluation israélienne, l'infériorité juste
"légère" dans les manœuvre dans le plan horizontal me laisse
dubitatif.
Je m'attends à ce que le F 16, même "A," soit quand même un
peu meilleur que ça, mais il faut se méfier des sentiments lorsque
l'on veut un jugement correcte.
Quoi qu'il en soit, ces deux évaluations assez crédibles (parce que
venant soit d'un pays neutre (Israel), soit d'un membre de l'OTAN mais
avec un avis plutôt positif, vont à l'opposé de ce que l'on peut lire
dans certaines critiques (exclusivement "inspirées de supposées
évaluations américaines...) , visiblement peu honnêtes et peu
conformes à la logique aérodynamique.
Pour faire simple, les performances mesurées par Israel et l'OTAN au
travers de ce pilote néerlandais sont en accord avec ce que l'on peut
déduire des faits connus (charge alaire, motorisation etc..), les
déclarations de certains pilotes américains ne collent que avec leur
opinion personnelle. Et cela est confirmé par les mots et le ton
employés; on sent clairement une volonté de convaincre d'une opinion,
d'autant plus que, si les affirmations fortes sont nombreuses, les
justifications physiques manquent toujours.
Ben alors, pourquoi avoir dit, au début que le Mig 23 était un exemple
de cas où les principes et notions de bases étaient insuffisante pour
juger?
Parce qu' il a de toute évidence des défauts qui ne sont pas
immédiatement déductibles des outils que l'on a utilisés jusqu'ici, et
qui sont susceptibles d'influencer le résultat final..
Bien sûr, ces défauts sont autres que l'ergonomie, la visibilité,
et la "rudesse" des commandes.
Commençons par le décrire:
C'est un avion à géométrie variable, il a donc un centre de
portance qui change de position avec les ailes. Ce changement de
position du centre de portance influe sur l'équilibre en tangage, et
sur la traînée en virage serré: plus le centre de portance recule,
plus les gouvernes de profondeurs travaillent avec un bras de levier
court avec les conséquences déjà expliquée à partir de l'exemple du
Mirage III.
Autre conséquence du choix de la géométrie variable: à angle
maximum, l'envergure est faible, or c'est l'envergure qui détermine le
plus souvent, la longueur du bras de levier entre les ailerons et le
centre de gravité et détermine ainsi le couple avec lequel les
gouvernes font pivoter l'avion en roulis. Conséquence: à grand "angle
de repli" des ailes, le contrôle en roulis est moins efficace.
Sur le Mig 23, ce ne sont pas des ailerons qui assurent le contrôle
en roulis, mais des "déporteurs" (des destructeurs de portance", on en
parle dans la deuxième moitié de cette page:
la structure des avions 10) que l'on appelle
assez souvent des "spoilers"; et ils travaillent en synergie avec les
gouvernes de profondeur dont le braquage différentiel permet aussi un
contrôle en roulis. Sauf que ça ne change absolument rien au problème
de bras de levier et de couple (d'autant que le contrôle par braquage
différentiel des gouvernes de profondeurs implique aussi un très petit
bras de levier).
La stabilité en roulis n'est jamais due à un "effet pendulaire"
pour les avions à aile haute, ni à une modification de la surface
projetée pour les avions à aile en dièdre. Ça, c'est une erreur trop
souvent répandue, même par des "professionnels".
La stabilité en roulis est d'origine dynamique et suppose d'abord
que la trajectoire d'un avion qui s'incline de l'un ou l'autre côté,
soit déviée latéralement. En d'autres termes: un avion qui "penche à
gauche" va nécessairement glisser vers la gauche et c'est cette
glissade qui est "utilisée" pour le redresser.
Si un avion présente une faible stabilité en roulis, ses mouvements
latéraux avant redressement seront plus amples, mais les mouvement
latéraux des avions entraînent aussi une sollicitation de la dérive
(l'effet inverse est vrai aussi).
Il y a donc un lien entre la stabilité en roulis et la stabilité en
lacet (l'un influe sur l'autre et vise versa).
Une instabilité en roulis peut donc aussi induire une certaine
instabilité en lacet, et, toujours, vice versa.
Un tel avion aura donc une grande dépendance aux surfaces
verticales arrières; c'est pour ça que le Mig 23 avait une grande
queue et même une surface verticale supplémentaire sous le fuselage
qui devait être repliée latéralement avant l'atterrissage.
La dérive de la plupart des avions est plus ou moins "masquée" par
le fuselage lorsque l'appareil vole sous grande ou très grande
incidence. Ce fait peut réduire l'efficacité de la dérive. C'est l'une
des raison de l'adoption d'une double dérive sur beaucoup d'avions,
surtout ceux dont le fuselage est large.
L'instabilité est toujours plus forte en cabré à cause de cet effet
du fuselage, mais aussi parce que l'écoulement est plus
turbulent dans ces conditions.
Un autre problème qui touche le Mig23 et qui n'est pas déductible à
partir des chiffres de charge alaire, rapport poussée/poids, etc..,
c'est le coût d'exploitation d'un avion à géométrie variable. la
complexité plus importante, et la nécessité de s'assurer constamment
que le positionnement des ailes reste strictement symétrique, augmente
les coûts et fait partie des raisons qui poussent à préférer d'autres
types d'avions.
En lien probable avec la difficulté de garantir une bonne stabilité en
cabré, le seul autre avion à géométrie variable spécifiquement prévu
pour être très manœuvrable, le F14, est conçu avec un fuselage très
large et une double dérive.
L'avantage du fuselage très large, c'est que les gouvernes de
profondeurs ont alors une envergure bien plus grande et, par
conséquent, bénéficient d'un "bras de levier" plus important pour le
contrôle en roulis par braquage différentiel des gouvernes de
profondeur.
L'avantage de la double dérive étant une assez bonne
compensation des problèmes de "masquage" de la dérive par le fuselage.
À noter aussi que d'autres avions à géométrie variable, ont, à
défaut d'un fuselage "type F14", deux moteurs (donc fuselage déjà un
peu plus large), et des gouvernes de profondeurs de grandes
dimensions (Tornado, par exempe).
Attention que l'instabilité évoquée ici est circonstancielle (dans
certaines configurations et certaines situations), elle ne signifie
pas que l'avion est continuellement instable, d'ailleurs celui qui
était tombé en Belgique le 4 Juillet 1989, avait tout de même volé
près de 1000 kilomètres sans pilote à bord pour le stabiliser....
De plus, lors de l'évaluation faite par Israel, le Lieutenant Colonel
Ofer Safra a précisé que le Mig 23 manœuvrait bien (donc pas de
problème de stabilité incontrôlable), mais qu'il demandait un travail
permanent (c'est ça le signe du problème, mais non insurmontable).
MIG 25:
Un Mig25, c'est ça:
Ça ralenti la "dérive" du flux vers l'extérieur à cause de la
flèche, et ça limte la "contagion du décrochage" qui commence par les
extrémités sur les ailes en flèche.
À première vue, cet avion devrait être assez
manœuvrant. La surface alaire semble très correcte, et le fuselage est
assez large.
C'est un avion d'un peu moins de 24 mètres de longueur, pour
14 mètres d'envergure et 6 mètres de haut.
Sa surface alaire est de 61.4 m²..............
MAIS...........
Il affiche 20 tonnes à vide, et 36 tonnes en charge, ce qui
donne environ 600 Kg/m² de charge alaire, et là, ça commence à être
beaucoup, d'autant qu'il n'a ni apex, ni même de simples décrochement
de bord d'attaque.
Sa charge limite en virage est d'environ 5g, même si,
structurellement, il peut (pourrait) "encaisser" 11 g.
La raison est que les ailerons (surtout à très haute vitesse, or il
est "fait pour ça"), pourraient, en s'abaissant, provoquer une
torsion de l'aile la faisant "piquer du nez", et produire ainsi
l'effet exactement contraire à celui escompté; c'est ce qu'on appelle
l'inversion d'ailerons.
Ces problèmes sont liés au fait que c'est un avion conçu pour les
très hautes vitesses, donc des vitesses qui impliquent un échauffement
important.
Pour ne pas devoir concevoir une structure en Titane** (très très
chère), les russes ont choisi de le contruire en acier avec système de
refroidissement intégré. Ça donne un avion lourd et dont les ailes
présentent une assez grande "flexibilité".
(**) Seules certaines parties (les bords d'attaque, par exemple),
sont construites en Titane......
Bon, les aubes de turbines aussi, mais là on ne parle que de
l'extérieur.
Ça ne pose aucun problème si l'avion n'est prévu que pour faire des
interceptions à distance, sans devoir beaucoup manœuvrer, et c'est le
cas.
Petite précision à propos des manœuvres: Si le Mig25 est peu
manœuvrant et limité à 5g, il est tout de même capable de réaliser ses
manœuvres à vitesse supersonique, ce qui n'est pas le cas de tous.
Bref, il y a une apparente contradiction entre son apparence et sa
manœuvrabilité, mais tout s'esplique dès que l'on en sait un peu plus
que ce qui nous permettait, avant, de'estimer les performances
probables.
On peut ajouter qu'il est équipé de deux moteurs d'environ 7,5
tonnes de poussée "à sec" et d'environ 11 tonnes de poussée avec post
combustion, lui donnant un rapport poussée/poids de l'ordre de 0,55,
en charge.
En dehors de ce problème d'apparente contradiction entre l'aspect de
l'avion et certaines de ses performances, il est surtout critiqué pour
son avionique supposée être "préhistorique", parce que l'étude du
Mig25 "offert" par le lieutenant Viktor Belenko au Japon le 6
Septembre 1976 avait montré que son radar était équipé de tubes plutôt
que de transistors.
C'est cet événement qui a poussé certains à répandre la légende
d'une avionique préhistorique, en passant sous silence trois faits qui
leur donnent tort:
1) Les tubes (lampes) sont des milliers de fois plus résistantes
aux impulsions électromagnétiques que les transistors, et il apparaît
que les soviétiques désiraient que leur intercepteur puisse opérer à
proximité de régions où des explosions nucléaires (sources de trèèèès
puissantes impulsions électromagnétiques) sont susceptibles de se
produire.
2) Dans les années où le Mig25 fût construit, il était difficile
(même en occident) de produire des semiconducteurs de très très forte
puissance (les lampes étaient meilleures à ce niveau), or, le radar du
Mig25 émettait à des puissances de crête de l'ordre de 600 Kw (600
mille watts!!!!) pour "traverser" les brouillages.
3) À l'intérieur du même Mig25, bien à l'abri de toute impulsion
électromagnétique, l'avionique était constituée de..............
semiconducteurs, comme chez nous.
Malgré toutes ces corrections, le Mig 25 n'est pas pour autant "une
terreur", c'est juste un intercepteur "à distance" qui a eu aussi des
succès.
D'un autre côté, et quelles que soient les motivations, même
parfaitement justifiées, inventer des défauts inexistants est, au
mieux pathétique, au pire dangereux...
Et puis, les exemples de réussites d'avions qui ne manœuvrent pas
ou presque pas et se concentrent sur le tir à distance, comme les
multiplent interceptions d'avions ukrainiens par des Mig31 avec des
missiles à très longue portée (Missile R37, portée entre 150 et 400
Km), ces réussites, donc, sont un argument positif en faveur du F35.
Bien sûr, c'est moi qui ai défendu l'importance de la
manœuvrabilité à plusieurs reprise, mais là, c'est l'occasion de
montrer que tout n'est pas noir ou blanc.