LA PROPULSION NUCLÉAIRE.

LES MOTEURS NUCLÉOTHERMIQUES

(c'est à dire: utilisant l'énergie nucléaire comme source de chaleur).

Pour bien comprendre le fonctionnement des différents types de moteurs nucléothermiques, je pense qu'un petit rappel simple sur la fission nucléaire est utile.

La fission nucléaire consiste en la division (spontanée ou induite) de noyaux d'atomes lourds (Uranium, Plutonium, etc....) en plusieurs noyaux plus légers, avec émission de neutrons et d'une très grande quantité d'énergie.

La fission de l'Uranium 235 peut donner des sous produits tels que: le Krypton, le Baryum, le Strontium, le Xénon, etc...

La fission induite se produit lorsqu'un noyau lourd reçoit une particule supplémentaire (généralement un neutron), cette particule supplémentaire déstabilise le noyau qui se désintègre, ou plus précisément qui se divise en noyaux plus petits, avec en prime, des neutrons et de l'énergie, beaucoup, beaucoup d'énergie.

Exemple de fision induite: sur cette image, on peut voir un noyau d'Uranium 235 qui, aprés avoir reçu un neutron, se divise en Krypton et en Baryum + 3 neutrons.

Ces trois neutrons sont susceptibles d'induire d'autres fissions s'ils rencontrent d'autres noyaux d' Uranium 235.
Si, à leur tour, les neutrons émis par la fission de ces autres noyaux en rencontrent encore d'autres, la phénomène peut se propager en s'amplifiant, c'est la réaction en chaine.

Pour qu'une réaction en chaine se produise, il faut donc que les neutrons émis lors de la division des noyaux rencontrent d'autres noyaux pour produire à leur tour d'autres fissions.

Le problème, c'est que la matière est essentiellement faite de vide, et que les neutrons issus de la fission d'un noyau ont fort peu de chance de rencontrer quoique ce soit avant de sortir du "bloc" de matière fissile dans lequel ils ont été émis.

Comparée à la taille d'un noyau, la distance qui sépare les atomes est proprement astronomique, et les neutrons peuvent "voyager" sur une grande distance (à leur échelle) sans rien rencontrer.

Voici un dessin qui permet de mieux visualiser la chose (les proportions ne sont absolument pas respectées, il s'agit juste de se faire une idée de ce qui se passe).

Le noyau représenté à gauche se divise en émettant 3 neutrons.
Les couches d'atomes voisines (vert, puis bleu) sont traversées sans la moindre collision; si donc le bloc était de cette taille, il ne se passerait rien.

Avec un bloc de plus grande taille (jusqu'au jaune) on a une collision donc une nouvelle fission induite.

Avec un bloc encore plus grand (orange, ou même rouge) on a encore plus de collisions possibles.

On le voit, la probabilité d'obtenir d'autres fissions induites augmente avec la quantité de matière, donc avec la masse du bloc de matière fissile.

Il existe donc une masse minimale pour laquelle on a la certitude d'avoir assez de collisions pour obtenir une réaction en chaine; cette masse minimale, c'est la masse critique.

La masse critique dépend de la nature de l'élément fissile (Uranium235, Plutonium239, etc..), et de la concentration du matériaux en élément actif (enrichissement).

Exemple: lorsque l'on parle d'Uranium235 enrichi à 95%, cela signifie que le matériaux dont il est question contient 95% d'Uranium235, et 5% d'autre chose, par exemple de l'Uranium 238 qui n'a pas du tout la même activité.

L'Uranium naturel de base contient 0,71% d'U235, et 99,29% d'U238.

Les éléments fissiles comme l'Uranium sont naturellement radio-actifs, il y a donc à tout instant, en leur sein, l'un ou l'autre noyau qui se désintègre spontanément en émettant des neutrons; ce sont les neutrons issus de ces fissions spontanées qui peuvent produire une réaction en chaine si l'enrichissement est suffisant, et la masse critique atteinte.

Pour obtenir une explosion nucléaire, il "suffit" donc de prendre une quantité d'U235 ou de Pu239 suppérieure à la masse critique MAIS DIVISÉES en plusieurs parties toutes inférieures à la masse critique (sous-critique), puis de les réunir très très rapidement de manière à former brusquement une masse unique supérieure à la masse critique (sur-critique).

Au moment précis où se forme ainsi cette masse sur-critique, les neutrons émis par les différentes fissions spontanées qui se produisent à tout instant, ont une probabilité de 100% de produire de nouvelles fissions, qui à leur tour en produiront d'autres.... C'est la réaction en chaine incontrolable et si rapide que cela se termine par... un champignon.

Heureusement que l'obtention d'Uranium hautement enrichi est une chose très compliquée, et que la réalisation d'un système permettant de réunir ces masses sous-critiques avec la vitesse et la précision requises ne l'est pas beaucoup moins!!!

Il est par contre beaucoup plus simple de produire de l'énergie thermique en utilisant la fission nucléaire.

Nous savons que lorsque l'on a un enrichissement insuffisant et/ou une masse beaucoup trop faible, les neutrons émis par les fissions spontanées n'ont pratiquement aucune chance d'induire de nouvelles fissions par collision.

Nou savons aussi que lorsque l'on a un enrichissement suffisant ET une masse sur-critique cela conduit, par emballement de la réaction en chaine, à une explosion nucléaire.

Entre ces deux extrêmes, il y a place pour toute une série d'autre situations intermédiaires pour lesquelles il y a entretient d'un nombre plus ou moins important de fission mais sans emballement.

On peut faire cela en trouvant un certain équlibre entre le niveau d'enrichissement et la masse du "bloc", de manière à ce que les neutrons émis lors des fissions induisent exactement autant de nouvelles fissions.

Exemple: si une fission produit 3 neutrons, mais que EN MOYENNE un seul des 3 trouve un atome fissile sur son chemin, le nombre de désintégration d'atomes reste au même niveau (ce niveau sera plus ou moins élevé suivant le degré d'enrichissement), et la quantité d'énergie produite est stable. C'est le principe de la pile à isotope.

Une pile à isotope (à radioisotope serait plus précis) comprend une enceinte blindée contenant une masse de matière fortement radio-active dans laquelle se produisent des réactions de fissions à un rythme (prédéterminé par le niveau d'enrichissement et l'importance de la masse) tel que la température y est constament élevée.
La chaleur qui y est produite est directement transformée en éléctricité par des thermocouples.

On peut faire cela aussi en utilisant plusieurs masses de matériaux fissiles (dont le degré d'enrichissement n'a pas besoin d'être aussi élevé que pour une bombe), et en modulant le nombres de neutrons que "s'échangent" les différentes masses.

En effet, si l'on prend 2 masses sou-critiques, et qu'on les place à proximité l'une de l'autre, des neutrons produit dans l'une des deux masses et qui s'en échappent peuvent ensuite pénéter dans l'autre masse et y induire des fissions.

Pour empêcher cela, on peut, soit séparer les deux masses par une plus grande distance, soit placer entre les deux un écran fait d'une matière capable d'absorber les neutrons (Cadmium, ou Hafmium, par ex.).

C'est d'une manière semblable que l'on contrôle la réaction nucléaire dans un réacteur.

Dans un réacteur nucléaire, le "combustible" nucléaire (en mauve) est divisé en différents éléments séparés par des barres d'absorbeur de neutrons (en bleu), ce sont les barres de contrôle.

Lorsque la barre de contrôle est complètement retirée (1), les échanges de neutrons (flèches vertes) induisent des réactions de fissions sur toute la longueur des éléments.

Plus la barre de contrôle est enfoncée (2, puis 3), plus la zone où peuvent se produire les échangent de neutrons diminue, et plus le nombre des réactions de fissions diminue aussi.

Lorsque la barre de contrôle est complètement enfoncée, les réactions de fissions sont au minimum.