LES DOUBLES FLUX

Dans un turboréacteur classique, la quasi totalité de l'air venant du compresseur passe dans la chambre de combustion. Une faible partie passe autour de la chambre à fins de reffroidissement et de redilution.

Les gaz éjectés par de tels turboréacteurs sont extrèmement rapides, et produisent énormément de bruit.. C'est à cause de l'énorme différence de vitesse entre les gaz éjectés et l'air ambiant, que l'on entend tant de bruit.

Cette différence de vitesse engendre des tourbillons très rapides et très petits à la limite de séparation entre le jet de gaz et l'air. Ce sont eux qui font vibrer l'air de manière à produire un bruit important.

Dans la réalité, ces turbulences sont invisibles, seulement audible!

Si l'on augmente le débit d'air total tout en maintenant la même quantité d'air passant DANS la chambre (pour respecter le bon rapport air/carburant, appelé: rapport stoïchiométrique), on aura une plus grande dilution en sortie.
La température et la vitesse d'éjection seront plus basse (car, mélange avec de l'air plus froid et plus lent). Par contre, le débit sera tellement augmenté que la poussée qui en résultera sera tout de même supérieure.

L'avantage est double: moins de vitesse, donc moins de bruit et, en plus, un bien meilleur rendement. En effet, le supplément d'air "frais" récupère de la chaleur aux gaz d'éjection, produisant une dilatation et une accélération.
On perd bien moins en vitesse que l'on gagne en débit. En fait, l'énergie thermique de la combustion du kérozène est mieux transformée en poussée, le rendement est meilleur.

Ce principe atteint son efficacité maximale dans le réacteur à double flux. Dans ce genre de réacteur, la partie avant du compresseur est surdimensionnée pour augmenter considérablement la quantité d'air qui y passe. Une partie de l'air y est alors prélevée pour contourner le moteur et être réinjectée après la turbine. L'autre partie suit le même chemin que dans un turboréacteur classique.

Le flux qui traverse tout le moteur s'appelle: flux primaire; le flux qui contourne une partie du compresseur, la ou les chambre(s), et la turbine, s'appelle: flux secondaire.

La première partie du compresseur, celle qui accélère le flux secondaire, s'appelle: compresseur basse pression.

La deuxième partie du compresseur, celle qui comprime le flux primaire, s'appelle: compresseur haute pression.

Généralement (le mirage 2000 faisant l'exception), les réacteurs double flux ont une turbine à deux étages, le premier étage entrainant le compresseur haute pression, et le deuxième étage entrainant le compresseur basse pression. Ceci permettant aux 2 compresseurs de tourner à des vitesses différentes, nous y reviendrons sous peu.

Sur un réacteur double flux, le débit est donc grandement augmenté, ainsi que le rendement. L'air "froid" du flux secondaire ne se mélangera que fort peu aux gaz très chauds du flux primaire, et, par conséquent, le jet de gaz très chaud et très rapide (flux primaire) sera "gainé" par le flux secondaire plus lent assurant un niveau de bruit très nettement plus faible ( l'air ambiant ne sera pas en contact directe avec les gaz rapides mais avec la "gaine" du flux secondaire).

Les gaz très chauds venant ge la chambre de combustion, et l'air (nettement moins chaud) du flux secondaire ont des densités très différentes, et les fluides de densités différentes n'aiment pas se mélanger. Dans un robinet mélangeur, l'eau chaude et l'eau froide sont dirigées l'une vers l'autre afin de les forcer à se mélanger.

Dans une chambre de combustion d'un turboréacteur, l'air de redilution ( pour amener le rapport à une part par 60) est injecté latéralement dans la chambre où l'écoulement des gaz est maintenu expressément turbulent ne fût ce que pour garantir un bon mélange air, carburant. Ces turbulences favorisent le mélange.

MAIS, sur toute bonne carte météo, on peut voir les zones d'air froid repousser ou être repoussées par les zones d'air chaud, mais jamais se mélanger.

Dans un réacteur double flux, si l'air "froid" (plus dense) et l'air chaud (moins dense) sont dirigés plus ou moins parallèlement plutôt que l'un vers l'autre, ils ne se mélangeront pas, et l'air froid gainera l'air chaud. Il n'y aura d'échange de chaleur qu'à la zone de contact entre les deux flux.

On peut aller encore plus loin, on peut donner au compresseur basse pression des dimensions énormes. Dans ce cas, le flux secondaire peut être 8 fois plus important que le flux primaire (on dit: un taux de dilution de 8), et la poussée est, dans ce cas assurée à 80% par le flux secondaire.

L'énorme premier étage s'apelle fan chez les anglo-saxon (traduisez par: ventilateur) et soufflante chez nous. Ces moteurs (les turbofans) fonctionnent un peu comme des turboréacteurs auquels on aurait rajouté une très grosse hélice multipale carénée assurant l'essentiel (80%) de la poussée.

Juste avant la sortie, les 2 flux sont en contact et un léger échange de chaleur peut se produire (sans se mélanger!), produisant une certaine dilatation et accélération du flux secondaire.

Avec: 1) Le fan ou la soufflante, 2) Le compresseur basse pression, 3) Le compresseur haute pression 4) La ou les chambre(s) de combustion, 5) La turbine haute pression, 6) La turbine basse pression.

Tous ces points sont valables aussi sur le modèle suivant.

Le canal de bypass (canal de contournement) est simplement plus court, le fan ressemble encore plus à une hélice carénée, le flux secondaire n'est pas en contact avec le flux primaire, dans le moteur, il n'y a même pas de léger réchauffement avant sortie.

Le fan se présente ainsi:

Donnant à l'entrée d'air un aspect comme celui-ci:

Et une turbine, ça ressemble à ça:

La photo est de l'ONERA sur: www.onera.fr

Sur les double flux, et plus encore sur les gros turbofans à très fort taux de dilution, il est nécessaire de pouvoir faire tourner les différentes parties du compresseur à des vitesses différentes.

Une turbine peut tourner à 10000 tour/ minute, si une telle vitesse était appliquée à une soufflante (un fan) de 2 mètres de diamètre (ce n'est pas excessif, la soufflante des moteurs de l'A 380 fait 3.50m), la vitesse en bout d'aubes serait de: 166.6*2*1 = 1046.77 m/s =3768.37 km/h. (166.6 tours/s = 10000 tours/ min, et si le diamètre vaut 2 m, alors le rayon vaut 1 m).

Pour permettre des vitesses différentes, il faut des turbines différentes. Celle qui sera directement à la sortie de la chambre de combustion, recevra plus d'énergie et tournera plus vite, celles qui suiveront recevront de moins en moins d'énergie et tourneront moins vite.

Voici un exemple avec 2 turbines, la première (en bleu), appelée turbine haute pression car elle reçoit les gaz à leur maximum de pression, entraine le compresseur haute pression (en bleu) (celui qui tourne le plus vite et réclame le plus de force), la deuxième (en vert), appelée turbine basse pression car elle reçoit des gaz dont la pression a déja un peu baissé (par expansion), entraine le compresseur basse pression (en vert) (celui qui tourne le moins vite).

L'axe d'entrainement de la turbine basse pression passe à l'intérieure de l'axe de la turbine haute pression, on dit que les axes sont coaxiaux.

Ce dispositif est appelé: double attelage.


Le meilleur rendement est toujours obtenu lorsque l'on peut éjecter une grande masse à vitesse modérée plutôt qu'une faible masse à haute vitesse.

En effet:

La poussée est calculée comme le produit du débit massique par la vitesse d'éjection (différence entre vitesse d'entrée de l'air dans le moteur, et vitesse d'éjection des gaz, dans ce cas pour être précis).


L'énergie cinétique des molécules éjectées vaut: E = 1/2 m.

Avec: m = masse, et v = vitesse (de chaque molécule).


Ainsi donc:


En doublant le débit massique, on double la poussée pour une énergie double.

En doublant la vitesse d'éjection, on double la poussée aussi mais pour une énergie quadruple (2 fois au carré).


Pour que le jet ait cette énergie, il a bien fallut la lui fournir (rien n'est gratuit), il faut donc fournir plus d'énergie pour se propulser en éjectant peu à haute vitesse que beaucoup à faible vitesse.


Lorsqu'un avion vole à vitesse strictement subsonique, un gros turbofan avec une grosse soufflante agissant comme une grosse hélice multipale carénée accélérant une très grosse masse d'air à vitesse modérée est donc le meilleur choix en terme de rendement.


On s'oriente donc, pour propulser les avions subsoniques, vers des moteurs de gros voir de très gros diamètre, voyez plutôt:

L'homme à proximité permet de se faire une idée de la taille du moteur.


La soufflante d'un gros turbofan de ce genre agit comme une grosse hélice multipale carénée.