ET COTE FUSEE ALORS?

Toujours dans l'optique de réaliser un "avion satellisable" (voir: l'ultime frontière et la suite), si la propulsion atmosphérique n'est pas encore capable de fournir l'essentiel du travail, ne peut-on pas "doper" les moteurs fusées ?

La force de propulsion d'un moteur fusée s'exprime par la formule: F = Dm * Ve + (Ps - Pe) *S, avec: Dm = débit massique, Ve = vitesse d'éjection des gaz, Ps = pression statique en sortie de tuyère, Pe = pression extérieure, et S = surface de sortie de tuyère. La poussée maximum est atteinte lorsque la tuyère est adaptée (voir: l'ultime frontière), c'est à dire, lorsque Ps = Pe. Si Ps = Pe, (Ps - Pe) * S = 0, et la formule devient: F = Dm * Ve.

En fait, c'est lorsque Ps = Pe que Ve atteint son maximum, TOUTE la pression statique UTILISABLE des gaz ayant été transformée en vitesse d'éjection (la pression statique utilisable est la partie de la pression statique qui est SUPERIEURE à la pression extérieure). En effet, si la pression statique des gaz à la sortie est inférieure à la pression extérieure, le jet se contracte sous l'influence de la pression extérieure plus grande, et la vitesse diminue (un écoulement supersonique diminue de vitesse dans une zone convergente, rappelez-vous).

Pour une fusée bien faite, la pousée est donc: F = Dm * Ve. Pour augmenter F, il faut donc, soit augmenter Ve, soit augmenter Dm.

Actuellement, les propergols donnant la vitesse d'éjection la plus grande sont le couple oxygène liquide/hydrogène liquide. On a vu que c'était encore insuffisant pour un "avion satellisable" (voir: les fusées à étage). On peut aussi augmenter le débit, mais en faisant cela, on augmente d'autant la consommation et on n'y arrive pas non plus.

Il y a pourtant un moyen d'augmenter le débit SANS augmenter la consommation. Comment ? En utilisant l'air ambiant, c'est ce que les américains appelle: l'air augmented rocket, et c'est, à peu près ceci:

Le système est simplissime, l'air qui passe dans le canal se réchauffe au contact des gaz du moteur fusée, il se dilate, et se détend produisant un supplément de poussée. C'est une sorte de recyclage de l'énergie calorifique du jet de gaz du moteur fusée.

On peut même augmenter encore le rendement en faisant fonctionner le moteur fusée avec un excès de combustible. Le combustible non brûlé réagira alors avec l'air dans le canal. On économise ainsi du comburant. Le système fonctionne alors comme une combinaison moteur fusée-statoréacteur.

Les expériences de la NACA il y a une cinquantaine d'années ont permis de conclure qu'un avantage très net pouvait ainsi être obtenu. Un avantage qui, dans le meilleur des cas (basse altitude, vitesse supersonique, entre autre) pouvait atteindre 30%. Remarquable ? Pas toujours.

Un exemple de réussite: Certains missiles supersoniques volant à altitude "normale", et dont le moteur fusée classique brûle ses propergols sous rapport stoïchiométrique (pas d'excès d'un ergol par rapport à l'autre), le jet passant dans un canal contenant un combustible solide susceptible de réagir avec l'air passant par là.

Les meilleurs conditions sont réunies: Vitesse supersonique "raisonnable", et altitude pas trop haute, donc densité de l'air pas trop basse.

Un exemple où ça "marche" moins bien:
-À très haute altitude, là où la densité de l'air est très basse, et par conséquent l'augmentation du débit massique très faible,
-et à très haute vitesse, si bien que l'air a très (trop) peu de temps pour se réchauffer et/ou réagir dans le canal.
En fait les conditions même de l'avion satellisable que l'on vise !!

La solution n'est donc pas encore trouvée, et l'avion satellisable digne de ce nom, probablement pas pour tout de suite.

À propos de la propulsion des fusées, il est un système qui, pour l'heure, semble plus prometteur encore que les habituels moteurs ioniques, plasmiques, ou nucléothermique dont on parle très souvent: c'est le VASIMR. C'est quoi ?

Pour bien comprendre, rappelons comment fonctionnent les différents modes de propulsion utilisés sur les engins spatiaux de nos jours. Dans tous les cas, il s'agit d'éjecter un fluide à la plus grande vitesse possible.
Il y a 2 grandes subdivisions, l'une consiste à chauffer le fluide pour provoquer une dilatation, une détente, et une éjection (moteurs chimiques ou nucléo-thermiques), l'autre consiste à accélérer le fluide par des moyens électriques ou électromagnétiques (moteurs ioniques, plasmiques, etc...).

L'avantage des moteurs ioniques ou plasmiques, c'est leur énorme impulsion spécifique (voir: l'impulsion spécifique à la page: la propulsion), elle peut dépasser largement les 10.000 secondes alors que les meilleurs propergols chimiques dépassent péniblement les 400 secondes.

Les désavantages des propulseurs ioniques ou plasmiques, ce sont leur faible poussée (quelques dizaines à quelques centaines de grammes; le plus souvent), et leur très faible rendement (peut être un dizaine de grammes par KW consommés, rarement plus).

Si leur rendement est si faible, c'est pour deux raisons:

  1. Une énorme quantité d'énergie est utilisée pour ioniser le gaz avant son accélération par des moyens électriques ou électromagnétique, et que cette énergie dépensée à ioniser ne sert absolument pas à la propulsion.
  2. Sachant que la poussée est égale au débit massique multiplié par la vitesse d'éjection (F=Dm*V). Sachant aussi que l'énergie cinétique des particules éjectées vaut: E=1/2mV².
    On voit bien que si la masse éjectée augmente, l'énergie et la poussée augmentent pareillement, mais que si c'est la vitesse d'éjection qui augmente, l'énergie augmente beaucoup plus vite (en fait au carré) que la poussée. Les particules ne reçoivent pas cette énergie gratuitement, c'est le moteur qui doit la leur communiquer.

Où:

Dm: débit massique (kg/s)

V: vitesse de sortie (m/s)

F: poussée (N).

S: surface de sortie (tuyère).

F = Dm.V => Dm = SV, et V = Dm/S

L'énergie E = 1/2 mV² et la puissance P = E/t = (1/2 mV²)/t = 1/2*V²*(m/t) = 1/2*(m/t)*V²

Le débit massique c'est une masse sur un temps, donc m/t = Dm => P = 1/2*(m/t)*V² devient P = 1/2*Dm*V² = 1/2*(Dm*V)*V = 1/2 F*V

Conclusion: F = 2P/V, ce qui signifie, que pour une force égale, plus la vitesse d'éjection (V) est grande, plus la puissance (P) doit être grande.

Où: plus la vitesse d'éjection est élevée, plus le rendement énergétique est pauvre, c'est aussi, dans un autre domaine, la raison du meilleur rendement des turbofans par rapport aux turboréacteurs classiques.

L'avantage des moteurs chimiques ou nucléothermiques, c'est leur énorme poussée, leur désavantage, c'est leur non moins énorme consommation.

Le moteur nucléothermique est bien meilleur, mais je l'ai rangé dans la même catégorie que les moteurs chimiques, car, tant du point de vue poussée que du point de vue consommation, il est plus près du moteur chimique que du moteur ionique.

On appelle moteur nucléothermique, un moteur composé d'un réacteur nucléaire classique (comme dans une centrale mais en plus petit), à travers lequel, par des canaux, on fait passer de l'hydrogène, qui ainsi se réchauffe, et se détend dans la tuyère, comme ceci:

Les performances d'un moteur dépendent étroitement de la vitesse d'éjection de ses gaz, qui elle est donnée par la formule:

Cette formule est décrite à la page: l'ultime frontière suite, mais il en ressort que la vitesse d'éjection dépend essentiellement de la masse moléculaire du gaz (M), et de la température règnant dans la chambre (Tc = température de combustion).

Le moteur nucléothermique utilise de l'hydrogène pur qui sera réchauffé sans être brulé. La masse moléculaire des gaz éjectés est donc celle de l'hydrogène, et c'est 2 (pour H2). La masse moléculaire des gaz éjectés par la combustion de l'hydrogène (couple de propergol, H2 + O2) est de 18 (H2O). Il y a donc un avantage pour le moteur nucléothermique du point de vue de la masse moléculaire des gaz.

Par contre, la température de combustion du couple H2O2 est à peu près la même que la température règnant dans le moteur nucléothermique, car on est tout simplement limité par la résistance à la chaleur des matériaux utilisés pour fabriquer le moteur.

En conclusion, le moteur nucléothermique est très avantageux, mais encore très très loin des performances requises pour révolutionner l'astronautique. Pour obtenir un moteur qui apporte un vrai changement, il faut qu'il ait une vitesse d'éjection des gaz très, très nettement plus importantes sans que cela se paye par un débit si ridiculement petit, que la poussée est presque nulle comme c'est le cas pour les moteurs ioniques et plasmiques actuels.

Le VASIMR est un candidat sérieux pour réaliser cette prouesse (quoique même si sa poussée est très supérieure à celle des moteurs ioniques et plasmiques habituels, elle reste bien inférieure à celle des moteurs chimiques ou nucléothermiques).

Alors, voyons comment ça marche. On prend du gaz; on le transforme en plasma en l'ionisant au moyen de micro-ondes; on le canalise grâce au champs magnétique produit par de très puissants électro-aimants; on le réchauffe jusqu'à plusieurs MILLIONS de degrés (oui, vous avez bien lu) grâce à une hyper, hyper puissante émission de micro-ondes; et enfin, on le laisse se détendre et s'échapper à très, très, très haute vitesse par la tuyère, tout en continuant à le canaliser avec un PUISSANT champs magnétique. Et ça donne ça: