Pour obtenir une poussée, il faut donc éjecter des gaz, de préférence légers, à très haute température, et sous haute pression.

Plutôt que de produire ces gaz par une réaction chimique, pourquoi ne pas prendre LE gaz le plus léger (l'hydrogène), et le réchauffer tout simplement grâce à un réacteur nucléaire. Comme ceci:

L'hydrogène molèculaire (H2) en provenance du réservoir passe dans la double paroi (ou dans un serpentin) entourant le moteur pour servir à son refroidissement; il se réchauffe et se dilate fortement entrainant la turbine de la pompe avant de pénétrer dans la chambre (pas vraiment de combustion dans ce cas).

Entrainée par la turbine, la pompe aspire l'hydrogène du réservoir et alimente continuellement le circuit.

Dans la "chambre", l'hydrogène traverse le réacteur nucléaire par une série de canaux très fins; c'est pendant cette traversée que l'hydrogène sera porté à très haute température (plus de 2500°), ce qui provoquera sa dilatation brutale, son accélération, et sa détente à très haute vitesse dans la tuyère.

Avantages:

Le gaz utilisé est le plus léger, et donc celui qui permet les plus hautes vitesses d'éjection et par conséquent, les meilleures impulsions spécifiques (près de 1000 secondes!).

Il n'y a qu'un seul circuit d'alimentation.

Désavantages:

Il est nécessaire de protéger l'équipage contre les radiations émises par le réacteur; ce qui oblige à équiper le vaisseau de blindages qui l'alourdissent considérablement.

Les gaz éjectés sont radio actifs, ce qui empêche tout emploi dans l'atmosphère, en particulier sur le premier étage.

La réaction nucléaire ne peut être arrêtée d'un coup, il faut donc prévoir une période durant laquelle la réaction nucléaire est tout doucement arrêtée, tandis que l'hydrogène continue à traverser le réacteur pour le refroidir; pendant ce temps, la poussée diminue, mais la consommation d'hydrogène reste la même, il y a donc un important gaspillage, et une diminution de fait de l'impulsion spécifique "globale".

Le supplément de poids (blindage anti-radiations), et le gaspillage d'hydrogène en fin de phase de propulsion réduisent l'avantage dû à la bien meilleure impulsion spécifique, toutefois ce type de moteur reste quand même, dans bien des cas, avantageux par rapport à la propulsion chimique.

Le prototype le plus connu de moteur nucléothermique à coeur solide (comme décrit ci-dessus) est le projet NERVA (Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application), ci-dessous.

Pour faire mieux il faut pouvoir fonctionner avec des températures nettement plus élevées.

Le moteur décrit plus haut est limité parceque le réacteur nucléaire lui même ne peut résister aux températures qu'il serait nécessaire d'atteindre pour obtenir des vitesses d'éjections et donc des impulsions spécifiques qui soient vraiment d'un autre ordre que celles dont on a déjà l'habitude avec la propulsion chimique.

LE MOTEUR NUCLÉOTHERMIQUE À COEUR LIQUIDE.

Pour s'affranchir un peu des limitations propre au moteur nucléaire à coeur solide décrit plus haut, on peut utiliser un "combustible" nucléaire se présentant sous une forme liquide.

Bien avant d'avoir atteint la température de fusion de ses éléments, le réacteur à coeur solide peut se déformer sous la chaleur; cette déformation peut influencer négativement son fonctionnement, aussi bien au niveau des réactions de fission, qu'au niveau de la circulation d'hydrogène dans les fin canaux qui le traversent (obstruction).

Si la matière fissile est déja sous forme liquide (plutôt un liquide épais ) que le fluide propulsif peut traverser en se réchauffant, le problème de déformation du coeur sous la chaleur ne se pose plus..

La chambre est mise en rotation grâce à un axe, le "combustible" nucléaire est ainsi maintenu à l'intérieur du moteur, près des parois, par centrifugation, ce qui permet de limiter fortement les rejet de matière fissile.

Avantage: une Isp de 1000 à 1500 secondes.

Désavantage: la complexité du système du fait de la nécessité de mise en rotation de la chambre.

Un autre type de moteur nucléaire à "combustible" liquide a été proposé par ROBERT ZUBRIN, ingénieur chez Martin Marietta, il utilise un sel d'Uranium dissout dans l'eau.
L'eau sert tout à la fois de fluide propulsif (à la place de l'hydrogène) et à rendre liquide le matériaux fissile (dissolution).

Le mélange d'eau et de "combustible" nucléaire est stocké dans un réservoir spécial, intimement "mêlé" à un "réseau" de matériau absorbeur de neutron pour éviter qu'il s'y produise déjà une réaction en chaine.
La solution ainsi formée est amenée à la chambre par des canalisations PRESQUE normales; en fait, ces canalisations aussi sont "truffées" de matériau absorbeur de neutron, et ce, pour la même raison que le réservoir.

Arrivé dans la chambre, plus rien ne s'oppose à ce que la solution soit le siège de réactions de fission nombreuses provoquant un réchauffement très très très intense et brutal de l'ensemble de la solution en général et de l'eau dont elle est essentiellement formée en particulier.
Il y a donc vaporisation, dilatation brutale, et détente rapide dans la tuyère, donc: poussée.

Avantages:
La simplicité; le moteur pourrait théoriquement être aussi simple que ça:

Une impulsion spécifique (Isp) qui pourrait atteindre 6000 secondes!!

Désavantages:

-La matière fissile étant éjectée avec le fluide propulsif, la quantité de substances radio-actives rejetée est énorme.

-Le fluide propulsif étant de l'eau, il n'y a donc pas de liquide cryogénique (l'hydrogène, par exemple), pour assurer un refroidissement correcte de la chambre.
Un confinement magnétique pourrait-il être la solution??

A ce jour, aucun moteurs nucléaire à coeur liquide n'a été fabriqué, pas même un prototype, il pourrait donc y avoir beaucoup plus de problèmes que prévus pour passer de la théorie à la pratique .

POUR ALLER ENCORE PLUS LOIN: LE MOTEUR NUCLÉOTHERMIQUE À COEUR GAZEUX.

Cette fois, les températures de fonctionnement possibles sont encore plus élevée (nettement supérieure à 10.000°, voir même 20.000°), et l'Isp peut facilement dépasser les 6000 secondes.

Le "combustible" nucléaire gazeux (ou liquide se vaporisant rapidement) est injecté directement dans la chambre, tandis que le fluide propulsif (hydrogène), après avoir circulé une première fois autour du moteur pour le refroidir, se répand dans une seconde double paroi d'où il est injecté dans la chambre par une multitude de "trous", on peut même dire des pores.

En arrivant ainsi "de partout", l'hydrogène confine le combustible nucléaire au centre, l'empêchant de toucher la paroi.

Avantage: une Isp de plus de 6000 secondes.

Désavantage: le combustible nucléaire est éjecté en même temps que l'hydrogène, produisant une impressionnante pollution radio-active.

De plus il faut trouver un "combustible" nucléaire "actif" pour de faibles densités (gaz).

LA PROPULSION NUCLÉAIRE PAR FRAGMENTS DE FISSION.

Tous les moteurs nucléaires exposés jusqu'ici utilisent l'énergie nucléaire uniquement pour chauffer un gaz (l'hydrogène de préférence pour sa légèreté).

La propulsion nucléaire par fragments de fission relève d'une toute autre optique. Il s'agit d'obtenir une poussée grâce à l'énergie de la fission sans aucune transformation.

Pour cela, on produit "tout simplement" une réaction de fission très puissante et rapide sans toutefois pouvoir être comparée à une explosion, et on canalise les produits de fission (noyaux d'atomes et particules) vers l'arrière de la fusée grâce à un confinement magnétique.

Premier modèle: le "combustible" nucléaire est disposé en filaments très fins sur plusieurs disques comme les rayons d'une roue; chaque disque est partiellement inséré dans une fente découpée dans un matériaux modérateur (voir (*) plus bas) et réflecteur de neutrons.

En tournant, les "rayons" de matière fissile passent les uns après les autres dans la fente. Les neutrons émis par le matériaux fissile (filaments sur le disque) sont réfléchis et reviennent y induire de nouvelles fissions. La réaction nucléaire est donc fortement stimulée dans la fente.

En tournant rapidement, chaque filament réagit brièvement pendant son passage dans la fente et peut se refroidir le reste du temps avant un nouveau passage.

Les produit de fissions sont alors canalisés et confinés magnétiquement pour être éjectés à des vitesses énormes donnant une Isp de plus de 100.000 secondes.

Avec plusieurs disque, ça donne quelque chose comme ça:

Ou comme ça:

Désavantages: de la radio-activité à la pelle.

Une petite partie des produits de fissions ne peut être récupérée et éjectée.

A l'exception des neutrons, tous les produits de fissions ont une charge électrique, c'est la raison pour laquelle ils peuvent être canalisés par un champs magnétique.

Pour ceux qui ne comprennent pas très bien comment fonctionne un confinement magnétique, on en parle ici.

(*)Remarque: les matériaux modérateurs, fréquemment utilisés dans les réacteurs nucléaires, servent à ralentir les neutrons; en effets, dans la plupart des réactions de fission, les neutrons lents sont plus efficaces que les neutrons rapides pour induire de nouvelles fissions.
Etonnant?
Non, parceque la fission d'un atome d'U235 (par exemple) ne se produit pas pour cause de "choc" violent avec un neutron, mais parceque en se RAJOUTANT au noyau, le neutron le transforme en U236 dont l'instabilité est telle qu'il se désintègre immédiatement comme un château de carte auquel on vient de rajouter la carte de trop.

Un neutron rapide risque de ne pas être capté par le noyau.

Comment alors expliquer l'éxistence de l'isotope U238? Car ce n'est pas un mais trois neutrons de plus qu'il contient celui là, et pourtant il est le plus stable.

C'est comme pour le château de carte, il peut être impossible de rajouter une carte sans tout faire tomber, mais tout à fait possible d'en rajouter plusieurs qui se tiennent mutuellement tout en consolidant l'ensemble.

Il existe une autre version, dans laquelle le combustible nucléaire se présente comme une très très très fine poudre, ionisée par hautes fréquences et confinée magnétiquement dans une sorte de chambre.

Dans le fond de la chambre des électrodes freinent et "récupèrent" des ions émis dans cette direction pour produire l'électricité nécessaire au fonctionnement de l'ensemble.

Avantage: pas de perte de produits de fission dans des directions inapropriées, et une meilleure Isp, peut-être même jusqu'à un million de secondes!