C'est un grand classique pour forum de science: on place, sur une balance ultra précise, un bocal contenant une mouche.
La question est: la balance indique-t-elle moins de poids lorsque la mouche vole, et donc ne repose pas sur le fond du bocal ?
Autre question du même genre déja posée: un hélicoptère enfermé dans une boite géante peut-il soulever cette boite tout en restant à l'intérieur ?
Pour y répondre, rappelons un peu comment vole un plus lourd que l'air (avion, hélico etc..). Pour ceux qui ne l'ont pas fait, il n'est pas inutile de voir d'abord les pages: la portance 1, 2 et 3.
Pour rappel, disons qu'un profil d'aile, ou de pale de rotor d'hélicoptère, ou de pale d'hélice, c'est la même chose, et ça dévie l'air comme ceci:
Même le profil du haut qui a un angle d'attaque nul dévie l'air, au moins légèrement, du fait de la dépression règnant sur l'extrados, et par effet Coanda (voir: la portance 2 et 3).
Pour un dessin plus détaillé, c'est ici:
Si l'on dit qu'un avion vole en générant une différence de pression entre l'extrados et l'intrados de l'aile, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de déviation du flux d'air. Ce sont 2 aspects du même phénomène, l'un entraine l'autre, tout simplement.
Tout le monde est d'accord pour dire qu'une hélice crée, en tournant, une dépression devant elle, une dépression telle qu'elle peut aspirer des objets légers trainants sur la piste.
De la même manière, une hélice crée, en tournant une surpression derrière elle, on peut ainsi calculer la force de traction d'une hélice à partir de la différence de pression entre chaque côtés du disque balayé par l'hélice (voir la page: la propulsion).
Toutefois, lorsque vous vous placez derrière une hélice, c'est un vent violent que vous constatez, comme devant un super ventilateur. L'aspect différence de pression, et l'aspect accélération d'une masse d'air vont donc de paire.
La déviation se fait donc en sens inverse de la portance, c'est une simple application du principe de l'action et de la réaction, et on peut lui appliquer la formule : F = Dm * V, la force (F) est égale au débit massique (Dm) multiplié par la vitesse d'éjection (V), ou la vitesse de DEVIATION plus précisément dans ce cas.
La
surface d'une aile étant immense comparée
à celle
d'un rotor ou d'une hélice, le débit massique
d'air
dévié par une aile est donc nettement plus
important.
Si
le débit massique est très important, la vitesse
de
déviation peut être beaucoup plus faible ; ceci
explique
pourquoi un avion ne produit pas de souffle SENSIBLE vers le bas comme
un hélicoptère, l'air, animé d'une
vitesse de
descente extrèmement faible, est rapidement
arrêté,
et l'énergie de ce flux transformée en onde de
pression
qui, elle, continue.
Les courbes rouges représentent cette onde de pression qui perd de sa force en s'étalant de plus en plus, sur une surface de plus en plus grande, jusqu'à devenir indécelable mais jamais réellement nulle.
Les molécules d'air chassées par l'aile ont une certaine vitesse, et une certaine masse, elles ont donc une certaine quantité de mouvement.
Cette quantité de mouvement (c'est le produit de la masse par la vitesse, donc: m*v) ne peut disparaitre, c'est une loi incontournable de la physique.
Les molécules mises en mouvement ne peuvent , tout au plus que la céder à d'autres qui feront pareil à leur tour, et ainsi de suite au gré des chocs entre molécules (formant ainsi une onde de pression), mais l'intégralité de la quantité de mouvement doit être conservée.
La direction et le sens comptent aussi, si le flux est dirigé vers le bas, seuls comptent, dans le calcul de la conservation de la quantité de mouvement, les composantes dirigées vers le sol des mouvements des molécules, en d'autres termes, les déplacement latéraux ne comptent pas.
En définitive, même si elle est très
étalée, l'onde de pression transmettra au sol une
force
égale au poids de l'avion, ce n'est pas en
écartant les
pieds, ou en les aggrandissant qu'on pèse moins lourd !
Attention !! il ne faudrait surtout pas en déduire que
l'avion
"s'appuie" sur le sol pour voler, ce serait une grave erreur. La
transmission au sol d'une force comparable au poids de l'avion est un
effet secondaire indésirable, et non voulu, mais
inévitable dans ce cas ci.
À la page: l'ultime frontière, j'explique pourquoi une fusée ne se propulse pas en s'appuyant sur quoi que ce soit (comparaison avec un lancement de ballon contre un mur, la contre-poussée du ballon sur la main a lieu au moment du lancer, pas à l'arrivée sur le mur), mais cela n'empèche pas les gaz éjectés par la fusée de faire pression sur le sol.
D'ailleurs, un avion en virage serré demande à ses ailes une force latérale, et au sommet d'un looping, une force dirigée vers le haut, dans ces deux cas, pas de sol à l'horizon, mais il y aura tout de même une onde de pression transmettant la quantité de mouvement jusqu'à ce que la dissipation par étalement ne permette plus de la différencier de l'agitation moléculaire naturelle.
Si nous reprenons notre bocal avec un petit avion en guise de mouche, on aura une balance qui indiquera le poids du bocal + l'air + l'avion en vol normal, et brièvement, le temps de la manoeuvre, le poids du bocal et de l'air seul quand l'avion est au sommet du looping.
Les
deux avions "sur la tranche" ne peuvent être
considérés comme n'ayant
aucune influence sur les indications de la balance.
Lors d'un virage,
même serré, un avion n'est pas parfaitement sur la
tranche, la force
aérodynamique générée par
ses ailes n'est pas parfaitement horizontale
pour permettre à une composante verticale égale
à son poids d'exister.
Un avion ne peut se mettre parfaitement sur sa tranche que temporairement, et au prix d'une perte d'altitude.
Si un micro-avion vole dans le bocal en faisant des cercles, la composante verticale de la force aérodynamique entrainera le même effet sur le fond que pour l'avion en vol horizontal.
L'onde de pression se déplace en divergeant, mais l'écho des parois ramène tout vers le fond.
En élargissant le bocal, l'onde de pression se répartit sur une plus grande surface, mais son action globale sur le fond ne change pas.
Conclusion de tout cela, le poids indiqué par la balance ne changera pas, sauf brièvement quand la mouche fait des loopings.
De même, l'hélicoptère ne peut soulever sa boite de l'intérieur, d'ailleurs tout système isolé ne peut assurer sa propre propulsion depuis l'intérieur sans rien éjecter (principe de conservation de la quantité de mouvement).
Remarque: une quantité de mouvement peut être "évacuée" sous forme de rayonnements, les photons, bien que sans masse, ont une quantité de mouvement, sauf qu'elle ne s'exprime pas comme le produit de la masse par la vitesse, mais vaut: h*nu/c, avec: h: la constante de Planck, nu: la fréquence, et c: la vitesse de la lumière.
Un complément d'info ici.