L'HYPERMANOEUVRABILITE.... LA SUITE

Une autre manoeuvre hors du domaine de vol normal: la glissade sur la queue du Mig 29.

Il s'agit d'une montée en chandelle, suivie d'une.... marche arrière verticale, puis d'un basculement.

L'intérêt de la manoeuvre ?

Essentiellement le plaisir des yeux, même si le fait de se retrouver temporairement en vol suspendu, donc en quelque sorte à l'arrêt, pourrait permettre à l'avion de se "décrocher" d'un radar doppler.


En effet, ces radars, qui se sont désormais généralisés à tous les chasseurs modernes car ils sont capables de suivre des cibles volant plus bas qu'eux, éliminent automatiquement les échos en provenance d'objets immobiles pour éviter qu'en "regardant vers le sol" (pour suiver un avion volant plus bas) le radar ne soit "aveuglé" par l'écho massif de ce même sol (qui est lui aussi immobile bien sûr).


Puisque ce type de radar élimine l'echo des objets immobiles, ou tout au moins animés d'une vitesse faible, il éliminerait de son écran l'echo d'un Mig 29 en glissade ou d'un Sukkhoï en manoeuvre de cobra.


Une fois que le radar est "décroché", il se remet en mode recherche, permettant au Mig de bénéficier d'un répit pendant lequel il ne craindra pas de tir.


La manoeuvre permet-elle d'obtenir un avantage dans le combat (le répit obtenu n'est pas très long) ? c'est pas sûr.


Ces manoeuvres (cobra, glissade) sont rendues possibles essentiellement par l'emploi de gouvernes de grande dimension (ou, bien sûr, de la poussée vectorielle) qui conservent une certaine efficacité à très,très basse vitesse.


Leur intérêt en combat aérien est discutable (quoique... On va en reparler).


Pour qu'une manoeuvre, hors du domaine de vol normal, est un réel intérêt, il faut qu'elle permette à l'avion, soit un changement brutal d'orientation du vol (pour échapper à un danger), soit de trouver plus facilement ou plus vite une solution de tir.


Les manoeuvres les plus serrées doivent se faire à vitesse très réduite, sinon la force centrifuge se charge de vous rappeler que vous n'êtes qu'un homme. Si la vitesse est vraiment basse, les gouvernes aérodynamiques traditionnelles sont inefficaces. C'est là qu'intervient la poussée vectorielle, alors: de quoi s'agit-il ?


La poussée vectorielle, c'est la poussée orientable, elle est fournie par des moteurs dont la (les) tuyère(s) est(sont) orientable(s).


Un des plus ancien cas de poussée vectorielle est le Harrier, dont le moteur dispose de quatre tuyères pivotantes, mais le but du système est, ici, de permettre le décollage et l'atterrissage vertical, pas d'améliorer la manoeuvrabilité.


En pivotant vers le bas, les tuyères assurent la sustentation de l'avion pour le décollage, l'atterrissage, et le vol stationnaire.

Des tuyères avant ne sort que de l'air en provenance du fan (la soufflante), le moteur Pégasus qui équipe le Harrier est un double flux à haut taux de dilution.

En les faisant pivoter vers l'arrière, on produit une poussée vers l'avant pour le vol "normal". En les faisant pivoter vers l'avant, on donne un "coup de frein", c'est la manoeuvre de viffing pour: VIFF = Vectoring In Forward Flight.

L'emploi de la poussée vectorielle par le Harrier pour resserrer un virage, bien que parfois évoqué dans certaines revues, est contre-productif.

Le moteur du Harrier développe une poussée un peu supérieure au poids de l'avion. La poussée vectorielle ainsi utilisée ne pourrait donc tout au plus que rajouter 1 G (une fois la valeur du poids de l'avion) de charge de virage, et en combat les virages serrés se font sous des facteurs de charge de 6 G et plus.

En outre, pendant que la poussée est orientée vers l'extérieur du virage, elle n'assure plus la propulsion de l'avion qui ne peut que perdre beaucoup de vitesse.


La véritable poussée vectorielle à objectif de manoeuvrabilité ne s'occupe pas de la sustentation, elle seconde ou remplace les gouvernes, au moins de profondeur, comme ceci:

C'est le cas du F22 Raptor, et du Su 37.
Résultat ? la possibilité de contrôler l'avion sur l'axe de tangage dans des conditions de vitesse et/ou d'angle d'attaque pour lesquelles les gouvernes traditionnelles ne peuvent avoir la moindre efficacité.

Jusqu'où cela peut-il aller ? jusque là semble-t-il: le tour complet:

L'intérêt ? se retourner pour tirer derrière, mais ça n'est pas nécessairement ni facile ni toujours efficace.



Des tuyères à poussée vectorielle du type Su37, c'est ça:

Et sur un F22 raptor, on a ça:

On peut faire mieux: avoir une ou plusieurs tuyères orientables dans tous les sens. S'il s'agit d'un monoréacteur, cela lui donne la possibilité de contrôle en tangage et en lacet par poussée vectorielle comme le X31.

Sur ce prototype, ce n'est pas à proprement parler la tuyère qui est orientable, mais le jet est dévié par 3 "pétales" comme sur cet autre prototype.




Sur un biréacteur, le braquage différentiel des 2 tuyères (l'une vers le haut, l'autre vers le bas), peut assurer, en plus, le contrôle en roulis.
On obtient alors un appareil capable d'être controlé dans (presque) toutes les positions, situations, ou vitesses, donc un appareil hypermanoeuvrable.


  Ci dessous, le Mig 29 OVT qui était prévu pour devenir le Mig 35, mais ce dernier, pas encore, ni produit ensérie, ni vendu est désormais proposé sans poussée vectorielle.

On voit clairement, à droite, que la tuyère gauche est légèrement braquée vers le bas, et pas la tuyère droite; il y a donc braquage différentiel.

Ici, la tuyère de droite s'écarte vers la droite, les mouvements de tuyère dans le plan horizontal permettent le contrôle en lacet (donc pour s'orienter à gauche et à droite).


À l'heure actuelle, les avion utilisant au mieux la poussée vectorielle sont les Su 35 et Su 57.








Reste à (re)parler de l'intérêt de cette super ou même hyper manœuvrabilité, puisque j'ai écrit un "quoique" plus haut.


On entend souvent dire que les manœuvres spectaculaires réalisées à très très basse vitesse par certains avions russes n’ont d’autre intérêt que de faire plaisir aux foules lors de shows aériens.


Cette position découle à la fois de cette idée que le combat aérien ne se passe désormais plus que à grande distance* et aussi une "tradition" selon laquelle un avion en vol très lent (et donc en général très cabré) est une proie facile** et un adversaire inefficace**…


(*) Ce qui est nié par l’histoire (voir la liste des cas à la page précédente), nié aussi par la volonté sans cesse réitérée d’inclure ce genre de manœuvrabilité dans les capacités exigées pour les nouveaux chasseurs, et nié enfin par des pilotes eux mêmes qui savent que leur métier implique au moins l’obligation d’identification visuelle dans un certain nombre de cas.


(**) Le problème, c’est que cette affirmation ne repose que sur une constatation qui n’est plus pertinente aujourd’hui.


Un avion qui vole très lentement et sous un angle d'attaque très "cabré" est réputé inoffensif et très vulnérable, mais cela n'est vrai que si cette situation l'empêche de manœuvrer.

Théoriquement, et ça s'est vérifié depuis les débuts de l'aviation de combat, un avion dont la vitesse est trop faible ne peut pas manœuvrer.

Cela vient du fait que les forces aérodynamiques  (qui génèrent la portance et la taînée) dépendent de la vitesse (au carré) et que l'avion ne peut donc, à trop faible vitesse, ni générer de portance suffisante (or les manœuvres demandent généralement un surcroît de portance), ni tirer parti de ses gouvernes qui, toujours fauts de force aérodynamique suffisante, n'agissent plus ou plus assez.  

Un avion dans cette situation est donc considéré habituellement comme incapable de manœuvrer et est donc vulnérable et inoffensif...

.... Vulnérable et inoffensif.... sauf si, de par les dimensions/efficacité des gouvernes, ou mieux, beaucoup mieux, par l'emploi de la poussée vectorielle, cet avion reste tout à fait capable de s'orienter dans toutes les directions, "pointer" vers un adversaire et tirer.......

Ces possibilités sont récentes, bien plus récentes et bien moins "intégrées" que la "certitude traditionelle", héritée du passé, trop facilement aceptée et insuffisamment "repensée", qu'un avion en manque d'énergie ne peut rien faire du tout.