LA
PROPULSION PAR ARNAQUE.
En surfant sur
internet, on
peut voir
des choses stupéfiantes.
Entre autres : des gens qui
affirment
pouvoir propulser un vaisseau spatial sans rien éjecter
(gaz,
ions, plasma) ni recevoir (voile solaire), c'est à dire sans
respecter l'incontournable conservation de la quantité de
mouvement.
Pour rappel, la quantité de mouvement (la masse
fois
la vitesse) d'un système doit être
conservée,
c'est à dire que si elle ne peut pas être
transférée en tout ou partie à un
autre
système, en d'autres termes si le système est
totalement
isolé, elle reste constante.
Exemple:
une fusée
à
l'arrêt a une quantité de mouvement nulle. Si rien
d'extérieur ne vient lui apporter une certaine
quantité
de mouvement (choc, pression des radiations solaires, etc..), elle
restera à l'arrêt quelques soient les
gesticulations
des astronautes à l'intérieur.
Pour se
déplacer
elle sera obliger d'allumer son moteur qui, en éjectant des
gaz,
"éjectera" ainsi une certaine quantité de
mouvement dans
un sens, permettant à la fusée
d'acquérir, elle
aussi une certaine quantité de mouvement, mais dans l'autre
sens, afin que la somme des deux reste nulle, respectant ainsi la
conservation de la quantité de mouvement.
Un exemple fameux de "propulsion" ne respectant pas ce principe.
Une série de masses aimantées reliées
par des fils
à un moyeu en rotation.
Une forte impulsion en provenance
d'un
très puissant aimant repousse brutalement (pôles
magnétiques de même signe) la masse lorsqu'elle
passe
à 3h.
"L'inventeur" nous fait un dessin de ce genre, tendant
à prouver que la masse ne revient en bout de cable
qu'après près d'un demi tour.
On remarque tout de suite que la masse arrive en bout de cable juste
avant 3h, et est presqu'instantanément repoussée
vers le
centre à 3h pile!!! Une force de répulsion
éééééééééénooooooorme!!
L'auteur, persuadé que cela peut fonctionner ainsi, en
déduit que la force centrifuge
générée par
la masse en rotation entre 10h et 14h (au moins) n'est
compensée
par rien, et permet donc une propulsion.
Reprenons son dessin, avec quelques corrections.
En rouge la
trajectoire de la masse après son passage devant l'aimant
telle
que l'imagine l'auteur,
en vert, la trajectoire
réelle (et
encore, dans le meilleur des cas, et en imaginant une impulsion
vraiment très, très forte de la part de l'aimant).
Pourquoi ces différences ?
J'ai tout d'abord
corrigé la
position de la masse lors de son passage devant l'aimant. Elle est
repoussée aussi loin que ne le prévoyait le
dessin
original, mais moins vite car sinon cela signifierait que l'aimant a
une force presqu'infinie.
Ensuite, et c'est là que cela
devient
interressant, j'ai corrigé la trajectoire, car une fois que
le
fil ou le cable est détendu, la masse n'a plus aucune raison
de
poursuivre sur une trajectoire circulaire,
mais elle continuera
plutôt en
ligne droite, tandis que le cable s'enroulera
autour du
moyeu.
En effet, une masse tournant au bout d'un fil suit, à
chaque instant, une trajectoire rectiligne (suivant la tangente) qui
est à chaque instant déviée
par la force de traction du fil. Il suffit de couper le fil pour
s'appercevoir que sans lui, et sans sa force de traction, la masse
s'échappe en ligne droite.
Donc, après
correction,
ça donne ça : (je remets l'image pour plus de clareté).
Soit : F la force de répulsion de l'aimant, Fr la force de
réaction à F, T la force d'inertie de
la masse
(orientée suivant sa trajectoire à cet instant
précis,
donc suivant la tangente), et R la résultante des 2 qui sera
aussi la nouvelle trajectoire de la masse.
La masse suivra donc une
trajectoire allant de R vers P.
Au moment de l'arrivée en P,
le
cable se tend brutalement, stoppant net la composante du mouvement en
direction de Fp.
Cet arrêt brutal produit dans le cable une
force
de traction suivant la direction de Fp bien supérieure au
poids
apparent de la masse soumise à la seule force centrifuge
ailleur
dans la "machine" (à 2h par exemple).
Lancez donc un poids
retenu par une ficelle, et vous verrez bien que la force qui apparaitra
dans la ficelle au moment où elle se tendra est
très
importante, et peut même provoquer la rupture de la corde.
La force Fr qui est égale à F (principe de
l'action et de
la réaction) est, elle aussi, très
supérieure au poids apparent de la
masse soumise à la seule force centrifuge, puisque F doit
non
seulement compenser le poids apparent de la masse sous l'action de la
force centrifuge, mais aussi faire reculer cette masse en direction du
centre, et qui plus est, dans des délais très
courts
(L'auteur avait même fait son dessin d'origine avec la masse
ayant reculé presque jusqu'au centre dès son
arrivée "à 3h", ce qui aurait signifié
une force
F, et donc une force de réaction Fr gigantesque!!).
La combinaison des forces Fr et Fp donnera une résultante
qui
compensera TOTALEMENT un prétendu excès
de force
centrifuge dans la zone supérieure du dessin qui ne serait
pas
compensé dans la partie inférieure.
Il éxiste une autre version plus
"édulcorée".
Cette fois, les cables sont remplacés par des barres rigides
sur
lesquelles les masses aimantées peuvent coulisser.
Avantage
: la
rigidité des barres permet d'espérer que les
masses
aimantées seront forcées de suivre une
trajectoire
circulaire.
En voici le schéma avec une petite correction pour
éviter
(comme d'habitude) que l'aimant doive fournir une impulsion
gigantesquissiménorme.
J'ai élargi la zone
d'action de
l'aimant, et la masse arrive à son point le plus proche du
centre à 3h un peu passé, mais c'est sans
importance sur
le principe, on peut même décaler toutes les
indications
d'heure pour réaligner la position "masse
reculée
au maximum près du centre" avec l'inscription 3h ou plus
simplement pencher la tête pour s'appercevoir que
cela ne
change rien parcequ'un cercle c'est symétrique de partout.
Ici, la rigidité de la barre entraine la masse dans un
mouvement
circulaire produisant une force centrifuge qui pousse fortement la
masse vers l'extrémité de la barre.
Plus le
dispositif
tourne vite (dans l'espoir de ne pas laisser le temps à la
masse
d'aller jusqu'au bout de la barre), plus la force centrifuge augmente,
et elle augmente vite, en fait comme le carré de la vitesse
: F
= m*v²/r.
En définitive, la masse coulissante
atteindra la butée de l'extrémité de
la barre en
1/4 de tour au tout tout
grand maximum si la masse coulisse sans
frottement.
Lorsque l'on fait tourner une masse au bout d'un fil ou d'une barre,
c'est la force de
traction
dans le fil ou dans la barre qui à chaque instant modifie la
trajectoire de la masse, la freinant dans une direction et
l'accélérant dans l'autre, comme sur ce dessin :
La force de
traction dans
le fil
(flèche noire) se décompose en une force
freinante
(fléche rouge), et une force perpendiculaire à la
première accélérant la masse dans
l'autre
direction.
En l'absence de cette traction (la tige est lisse, et la
masse n'est pas encore en butée), qu'est-ce qui freine dans
une
direction (flèche rouge) ?
Rien, et si la tige n'était pas parfaitement
lisse,
la masse exercerait sur la tige une force de traction centrifuge
contraire à ce qui est recherché dans ce
système
(il est basé justement sur l'absence de force centrifuge
dans
certaine partie du parcours) et qu'est-ce qui
accélère
dans l'autre ? un peu la poussée de la tige sur la paroi
intérieure de la masse, comme sur ce dessin :
En tournant, la
tige exerce
une force
à l'intérieur du canal traversant la masse
(flèche
mauve), la décomposition de cette force nous donne : une
composante larérale selon la flèche verte (c'est
plutôt positif, elle accélère la masse
dans la
bonne direction), et une composante verticale selon la
flèche
rouge qui ne fera qu'accélérer
encore le mouvement de la masse vers l'extrémité
de la
tige (flèche bleue).
Sur le
dessin suivant, les flèches indiquent la direction et le
sens de
déplacement d'une masse en rotation autour d'un centre
à
différents instants.
En position 1 la direction du vecteur
vitesse est
A.
En position 2 la direction est B.
Entre la position 1 et la position
2, la vitesse en direction de A a été
totalement
annulée, tandis
qu'une vitesse en direction de B est apparue.
En position 3 (vers les
6h30 environ), la direction de la vitesse est indiquée par
la
flèche bleue que l'on a décomposée en
une
composante horizontale (flèche verte), et une autre
composante, verticale celle-là, et donc en sens contraire
de A (petite flèche rouge).
Entre la position 1 et la position 3, non seulement la vitesse
dans le sens de A a été annulée, mais
en plus, le
sens de la vitesse commence à s'inverser, le mobile commence
à se déplacer en sens inverse, ce qui sera
pleinement le
cas en arrivant en C.
Comment cela peut-il être possible si à
aucun moment une quelconque force orientée vers le haut du
dessin (sens de C) n'est apparue?
Si, du fait que la tige est lisse, rien ne peut freiner le
déplacement de la masse dans le sens de A (vers le bas du
dessin), il est exclu que cette même masse puisse entamer un
mouvement en
sens inverse. Son point maximum avant retour en
butée est donc le point 2 (en étant large), donc 1/4
de tour
pas plus.
Ce qui trompe les gens, c'est le fait qu'il peut leur être
arrivé d'enfiler un objet quelconque sur un baton, et de
pouvoir
tourner plus d'un quart de tour avant que l'objet ne
s'échappe.
L'explication est simple, l'être humain étant
physiquement
bien incapable de donner à un tel mouvement une vitesse
immédiatement très importante, l'objet enfiché
sur le
baton parcours, au début, une bonne distance à
une
vitesse relativement basse, générant peu de force
centrifuge; les forces de frottement sur le baton (surtout s'il est
rugeux) sont alors suffisante pour retarder quelque peu l'expulsion.
En effet, ces forces de frottement sont
effectivement orientées en sens inverse du mouvement de la
masse, et peuvent sur toute la longueur du baton avoir eu une action
cumulée suffisante.
On peut aussi imaginer un dispositif où
les forces
de frottement sont très faibles (mais
non nulle), mais dont
les
tiges sont d'une longueur énormissime.
L'action continue
d'une
faible force de frottement sur une très, très
grande
longueur équivaut à une force beaucoup plus
grande sur
une courte distance, le résultat est le même, on
peut
dépasser un peu le quart de tour.
Mais on y gagne rien, les
forces de frottement "tirent" le système vers "le bas du
dessin", elles ont donc un effet négatif (à la
limite, si
le frottement est suffisant pour arrêter la masse, on peut
assimiler cela à une butée sur laquelle la force
centrifuge peut agir pleinement).
Le résultat
global de
tout ceci, est comme pour le modèle "à cable",
que la
combinaison de la force à 3h (en réaction
à la
répulsion de l'aimant) avec la force au moment de l'impact
(très puissante à cause de l'effet d'impact)
compense
totalement le prétendu excès de force centrifuge
de
l'autre hémicycle.
J'ai vu une autre version, à
peine
différente, la voici :
Ici, la masse est maintenue près du centre depuis 3h
jusqu'au
environ de 6h (position 6-7) et relachée brutalement.
L'auteur
affirme que, pendant le court laps de temps où la masse n'a
plus
appui sur le champs magnétique de l'aimant, et pas encore
appui
sur sa butée en bout de tige, elle ne peut compenser la
force
centrifuge produite dans la région de la position 1.
Une
fois de
plus c'est oublier que la force
générée par
l'aimant (et par
conséquent la force de réaction qui y est
liée et
égale) est très importante, car elle ne doit pas
seulement compenser la force centrifuge de la masse, mais aussi la
faire reculer sur la tige en direction du centre.
C'est oublier aussi
que la force générée par l'impact de
la masse
brutalement arrêtée dans son élan
à la
position 9 est elle aussi très importante.
Et enfin c'est
oublier que la
COMBINAISON de ces deux forces donne une résultante qui
compense
totalement l'absence de poussée de la masse sur la
butée
en bout de tige autour du point 7.
L'auteur de ce
système
était en fait convaincu que faire reculer la masse sur la
tige
ne demandait qu'une force à peine supérieure
à la
force centrifuge subie par la masse au point 3. Il n'en est rien.
Pour
déplacer une masse, il faut vaincre son inertie. La
célèbre formule : F = M*A est applicable ici.
Sur
la
première version avec l'aimant "à 3h", il
faut
imprimer à la masse une
accélération
énorme pour la faire reculer jusqu'au bout de la tige en
très peu de temps, car la masse ne reste devant l'aimant que
très peu de temps.
Si
l'accélération est forte,
alors la force est forte ( F = M*A) et la réaction aussi.
Sur la
deuxième version
avec l'aimant couvrant près d'un quart
de tour entre
3h et un peu moins de 6h (de la position 3 à la position
6-7), on dispose d'un peu plus de temps pour repousser la masse
près du centre, on peut se contenter d'une
accélération, et donc d'une force plus
raisonnable, mais
pendant beaucoup plus longtemps et cela revient donc au
même:
dans un cas comme dans l'autre la force de
répulsion de l'aimant et sa contrepartie (force de
réaction repoussant l'aimant) sont loin, très loin,
très très loin d'être
négligeables.
L'autre erreur est de négliger aussi
la force d'impact de la masse revenant en butée, elle
répond aussi à la formule F =M*A, et ici A c'est
l'arrêt brutal
donc l'accélération (la
décélération dans ce cas) est
énormissime.